IRRADIÉS DES ARMES NUCLÉAIRES : LEVÉE DU SECRET-DÉFENSE DEMANDÉE

L’antenne de Brest des irradiés des armes nucléaires (association Henri-Pézerat) a obtenu, par jugement du tribunal administratif de Paris, la levée du secret-défense d’une enquête interne sur les conditions de travail des personnels chargés de manipuler les armes nucléaires destinées aux sous-marins de l’Île-Longue.

Plus de 20 ans qu’ils attendent d’avoir accès à cette enquête interne qui n’a jamais été rendue publique. « Les conclusions de cette enquête, refusées aux élus CHSCT et aux organisations syndicales depuis 1996, ont fait l’objet de trois courriers recommandés à Jean-Yves Le Drian, alors ministre de la Défense », résume Francis Talec.

Le 30 juillet 2013, il justifiait à la députée Patricia Adam, présidente de la commission de la Défense nationale, « l’impossibilité de rendre public le document en raison de nombreuses informations classifiées relatives à des systèmes d’armes nucléaires toujours en service au sein des armées ».

Mais pugnace, l’association redemandait, en octobre 2016, l’accès à ce rapport. Finalement, l’affaire arrivait devant le tribunal administratif de Paris.

Par jugement du 22 novembre dernier, le tribunal a ordonné au ministère de la Défense de saisir la commission consultative du secret de la défense nationale d’une demande tendant à la déclassification partielle du rapport établi par l’amiral Geeraert.

Rayonnement reconnu

L’enjeu du contenu de ce rapport est de taille puisqu’il permettrait d’éclaircir les conditions de travail et les risques encourus par les personnels employés au contact des têtes nucléaires de missiles.

« De 1972 à 1996, les personnels ont travaillé à proximité des têtes nucléaires sans dosimétrie, sans protection et dans l’ignorance des risques », assure l’association.

« Le 19 novembre 1996, en réunion extraordinaire du CHSCT, nous apprenions que les nouvelles têtes nucléaires TN 75, en service depuis 1993, rayonnaient plus que les précédentes. On découvrait que les premières rayonnaient déjà, alors que pendant 25 ans, la direction nous assurait le contraire… On apprenait du jour au lendemain que ces têtes nucléaires émettaient aussi des rayonnements neutroniques extrêmement dangereux pour la santé », écrit Francis Talec, pour l’association Henri-Pézerat, dans le dernier compte rendu de l’assemblée générale.

Montage et contrôle des armes

Pour bien comprendre le cheminement de cet armement sensible, l’association resitue le parcours et les manipulations réalisées à l’Île-Longue.

« Les armes nucléaires fabriquées au centre CEA Valduc, en Bourgogne, arrivent à l’antenne CEA de la pyrotechnie de l’Île-Longue en éléments séparés. Il s’agit d’éléments comprenant du plutonium, de l’uranium, du tritium ainsi que des dispositifs pyrotechniques et électroniques. Ce personnel monte le tout dans une ogive et le livre ensuite aux techniciens de la pyrotechnie, qui les stockent et les contrôlent périodiquement. Ces têtes nucléaires (six par missile) sont ensuite embarquées à bord du SNLE. Les opérations inverses se déroulent au retour des patrouilles sur les missiles qui ont présenté des anomalies ou lors des renouvellements périodiques des têtes nucléaires ».

Protection en 2003

Pendant des années, les monteurs et contrôleurs des armes nucléaires de l’Île-Longue n’ont pas porté de protection spécifique. « Ce n’est qu’en 2003 que le port du tablier en plomb a été adopté ». Pour illustrer la gravité de ce dossier, l’association rappelle la situation d’un technicien qui a participé à la maintenance et à la manipulation de ces têtes nucléaires de 1981 à 2000. La fille de ce technicien ayant fait une demande de reconnaissance de maladie professionnelle pour son père.

La divulgation de ce rapport commandé et réalisé en interne permettra-t-elle d’en savoir davantage sur les risques réellement encourus ?

Publié le 13 décembre 2018 à 07h00

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