LE «SECRET D’ÉTAT» PLANE TOUJOURS SUR L’EXPLOSION DANS UNE BASE MILITAIRE RUSSE

Une explosion dans une base militaire russe perdue dans le Grand Nord. Une arme à propulsion nucléaire secrète. Des déclarations contradictoires et troublantes des autorités. Des révélations préoccupantes des médias.

Dix jours après l’explosion accidentelle survenue près de Nionoksa, à quelque 1 300 km au nord de Moscou, les autorités russes cultivent le mystère sur les causes et les conséquences de l’explosion. « Secret d’État » oblige.

Si l’on croise les faits rapportés par différents médias russes, l’explosion s’est produite, jeudi 8 août, à la mi-journée, sur une plate-forme maritime de lancement de missiles, au large du village de Nionoksa, dans la région septentrionale d’Arkhangelsk. L’armée a, dans un premier temps, parlé de deux victimes, avant d’être contredite samedi par Rosatom, l’agence nucléaire russe qui faisait part de cinq de son personnel décédés et trois brûlés aux degrés différents dans l’accident.

La cause de l’explosion ? Le ministère russe de la Défense a, dans la foulée de l’accident, indiqué l’essai d’un « moteur-fusée à ergols liquides », sans mentionner la présence du combustible nucléaire dans l’engin. Le New York Times, citant des sources des services de renseignements américains, a rapporté que le « moteur-fusée » à l’origine de l’explosion, n’était autre que le missile à propulsion nucléaire baptisé « Burevestnik ». Un modèle dernier cri de l’arsenal russe dont le président Vladimir Poutine avait ouvertement vanté les mérites « invincibles », « indétectables », et d’une « portée illimitée », lors de son adresse annuelle à l’Assemblée fédérale en mars 2018. Selon un rapport de l’Institut international de recherche sur la paix de Stockholm, publié en juin 2019, la Russie possède le plus gros arsenal nucléaire au monde, avec un total de 6 500 têtes nucléaires, devant les États-Unis, qui en comptent 6 185.

Tradition. Le Moscow Times a révélé vendredi que le personnel médical de cinq hôpitaux régionaux d’Arkhangelsk n’a pas été informé du fait que trois patients transmis depuis le village de Nionoksa, « sans vêtements et enveloppés dans des sacs en plastique translucide » avaient été exposés à la radiation. Du césium 137 (un élément moyennement radioactif, N.D.L.R.) a été plus tard découvert dans le tissu musculaire d’un docteur. Selon le journal anglophone, le service fédéral de sécurité (FSB) aurait imposé une clause de confidentialité à tous les membres de l’hôpital. Toutes les informations relatives au traitement de ces trois patients auraient été effacées par des agents spéciaux, de sorte que le personnel n’avait rien pour aller en justice.

Ces plus récents procédés ne sont pas sans rappeler la catastrophe nucléaire de Tchernobyl du 26 avril 1986, pire catastrophe nucléaire dans l’histoire de l’Humanité, ayant été minimisée et couverte, dans un premier temps, par les autorités soviétiques.

Ce culte du secret est, au fil des ans, devenu une sorte de tradition en Russie. Lors de l’explosion de la centrale nucléaire de Tchernobyl, les autorités ont gardé le silence pendant 24 heures. « Sommes-nous assez bêtes pour déclencher la panique? », avait alors expliqué Nikolaï Ryjkov, chef du gouvernement soviétique qui a dirigé la liquidation de l’accident. Aujourd’hui, Moscou préfère se taire au nom du « secret d’État », un moyen de se protéger des oreilles indiscrètes, comme de préserver son image.

Par Junzhi Zheng, publié le 19 Août 2019 à 06h00

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