APRÈS ASTRID, QUE RESTE-T-IL DE LA RECHERCHE NUCLÉAIRE EN FRANCE ?

Annoncé le 31 août, l’arrêt du projet Astrid ne marque pas la fin de la recherche nucléaire civile en France. D’autres chantiers sont en cours, des réacteurs les plus petits aux innovations les plus ambitieuses.

L’arrêt du projet Astrid soulève des interrogations dans la filière nucléaire française. Sans prototype de réacteur de quatrième génération, le secteur peut-il garder un avenir ? “C’est toute la cohérence de la filière française du nucléaire qui est mise en danger”, a dénoncé jeudi 5 septembre le syndicat Fédération Nationale Mines Énergie (FNME-CGT). D’autres chantiers existent dans la recherche nucléaire mais ils sont peu nombreux. Astrid, seul projet de réacteur de quatrième génération à taille industrielle

Astrid correspond à un prototype de réacteur à neutrons rapides refroidis au sodium (RNR-Na). Les RNR-Na font partie des six types de réacteurs qui délimitent la quatrième génération des sites nucléaires. Le problème : la France ne s’est concentrée que sur les RNR-Na tandis que d’autres pays – comme la Chine, les États-Unis, l’Inde et la Russie – poursuivent la recherche dans d’autres filières.

Il existe un autre projet dans la quatrième génération : le démonstrateur Allegro de réacteur à neutrons rapides refroidis au gaz (RNR-G), lancé en 2011 avec la Hongrie, la Pologne, la République tchèque et la Slovaquie et en collaboration avec le CEA. Il s’agit toutefois d’un projet nettement plus petit avec une puissance de 75 MWth et le rôle du CEA se limite à celui de conseiller et d’assistant technique. « Aujourd’hui le projet Allegro est au stade des études de concept (pas de caractère industriel à ce jour), précise à L’Usine Nouvelle un porte-parole du CEA. Avec le lancement du programme Astrid, la priorité a été mise sur les RNR au sodium et le CEA n’a pas approfondi ses études sur le RNR-G. » Le lieu d’implantation éventuel d’Allegro reste inconnu et peu d’informations circulent sur l’avancement du projet. Un consortium d’industriels pour un petit réacteur modulaire

En marge des réacteurs de quatrième génération, la France veut se doter de petits réacteurs modulaires (les SMR pour small modular reactors). Ces derniers ont l’avantage de pouvoir être transportés par camion ou par barge, comme la centrale nucléaire flottante russe qui a quitté son port le 23 août. Avec une puissance limitée, souvent située autour de 100 MWe, ces réacteurs pourraient théoriquement être fabriqués en série dans des usines pour alimenter des sites isolés. Surtout, les SMR permettraient de réduire le coût et le temps des chantiers des centrales.

En France, le consortium F-SMR travaille sur le sujet et regroupe EDF, le CEA, Naval Group et Technicatome. Ces derniers travaillent sur un SMR à eau pressurisée et doivent démarrer en 2019 le “conceptual design” d’un réacteur de 170 MW. À travers le monde, une cinquantaine de projets similaires existent selon l’Agence internationale de l’énergie, même si une grande majorité sont toujours en cours de développement.

ITER, un chantier ambitieux en bonne voie

La France peut s’enorgueillir d’un autre chantier pharaonique : celui du réacteur civil à fusion nucléaire Iter (pour International Thermonuclear Experimental Reactor). Installé à Cadarache (Bouches-du-Rhône), il fait partie des projets nucléaires les plus ambitieux menés à travers le monde en associant 35 pays, dont la Chine et les États-Unis. Lancé en 2004, Iter pourrait aboutir à des premières expériences dès 2025 même s’il a été retardé par le passé. Le réacteur de recherche consistera à reproduire de façon contrôlée les réactions de fusion nucléaire qui se produisent au cœur du soleil et des étoiles. Sa période d’exploitation est estimée à 20 ans.

(Le chantier d’Iter vu du ciel en juin 2019. Crédit : ITER Organization/EJF Riche)

Sur le futur site de 180 hectares, outre les retombées pour l’économie locale, 1000 personnes devraient être directement employées. Doté d’un budget monumental (plus de 20 milliards d’euros pour la construction et l’exploitation), le projet est suivi attentivement dans la communauté scientifique. L’objectif est de générer une puissance thermique de 500 MW durant 6 minutes et 40 secondes en injectant une puissance électrique de 50 MW. À terme, les chercheurs espèrent produire une énergie propre et inépuisable.

Malgré ces projets, la filière alerte sur le manque de moyens apportés à l’innovation. Le 3 septembre, l’Association européenne de l’industrie du nucléaire (Foratom) a appelé l’Union européenne à augmenter ses subventions. “Si l’Union Européenne veut sérieusement décarboner son économie d’ici à 2050, davantage de fonds de l’UE devraient être alloués à la recherche et innovation dans le nucléaire bas carbone”, déclare dans un communiqué le directeur général de Foratom Yves Desbazeille.

Par Simon Chodorge , publié le 13/09/2019 à 13H45

Photo en titre : L’Iter fait partie des projets importants de recherche nucléaire en France. Ici, l’une des cryopompes du futur réacteur est testée.  © ITER Organization.

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