EDF : L’ÉVENTUELLE SCISSION RETARDÉE

(AOF) – Point de Némée et encore moins de Lerne à l’horizon pour EDF. La mise en œuvre du projet « Hercule« , soit la scission de l’électricien public, ne serait pas pour cette année. Selon Europe 1, EDF présentera son projet controversé au printemps 2020 et non au mois de décembre comme le groupe le prévoyait initialement. En Bourse, la déception l’emporte : le titre cède 1,5% à 9,868 euros.

« Aujourd’hui, les conditions ne sont pas réunies sur la régulation : la mise en place de la nouvelle Commission européenne, avec laquelle l’État doit mener des discussions, devrait permettre d’éclaircir la situation d’ici quelques mois« , a écrit le PDG Jean-Bernard Lévy.

Hostiles à ce projet, les syndicats CGT, CFE CGC, CFDT et FO mettent en demeure la direction et le gouvernement, à l’initiative de la restructuration, de le retirer définitivement d’ici au 10 octobre, sans quoi des grèves seront organisées, rappelle de son côté Reuters.

Le projet Hercule prévoit que les activités dans le nucléaire, et peut-être les barrages hydrauliques, soient nationalisées. Cette société publique détiendrait entre 65% et 70% d’un groupe constitué des activités dans les énergies renouvelables, les services, la fourniture d’électricité aux particuliers, et la distribution (Enedis).

Ce scénario circule depuis fin 2017 et la scission par le concurrent allemand d’EDF, RWE de ses activités traditionnelles d’énergie avec celles plus prometteuses dans les énergies vertes et les services.

Selon UBS qui a été le premier broker à miser sur un tel découpage d’EDF, cette scission apportera de la valeur aux actionnaires qui deviendraient propriétaires d’un groupe aux perspectives plus visibles et plus performante sur le plan opérationnel.

À charge à l’État de soutenir un EDF « historique » malmené par la concurrence croissante des opérateurs privés et pris en tenaille entre une dette colossale (plus de 33 milliards d’euros) et des investissements programmés massifs. Rien que la mise à niveau des centrales et la mise aux normes post-Fukushima coûtera entre 55 et 75 milliards d’euros au cours des prochaines années.

À cette somme s’ajoute l’interminable chantier du réacteur EPR de Flamanville (Manche) et le financement d’éventuelles nouvelles centrales.

EDF – Les points à retenir

– Premier opérateur français d’électricité et un des leaders européens de l’énergie, diversifié dans le gaz et les énergies renouvelables ;

– Forts besoins énergétiques dans le monde et réforme positive du marché européen des quotas d’émissions carbone ;

– Chiffre d’affaire de 69 Mds€ et capacité de production élevée, de l’ordre de 140 GW, à plus de 50 % dans le nucléaire, devant l’hydraulique, le gaz et les énergies nouvelles, le charbon et le fioul devant sortir du portefeuille d’activités ;

– Stratégie du « mix génération » avec la filiale EDF Énergies nouvelles

–photovoltaïque et éoliennes, activités en forte croissance ;

– Prolongement à 50 ans de la durée de vie des centrales, hors Fessenheim, et autorisation de mise en service de la cuve de l’EPR de Flamanville ;

– Groupe intégré depuis des actifs d’Areva (conception et fabrication de réacteurs nucléaires) par le biais d’une société, Framatome, détenue à 75 %, aux côtés de Mitsubishi (19,5 %) et réalisant 3,3 Mds € de chiffre d’affaires avec 3 Mds€ de prises de commandes ;

– Position d’acteur de référence dans le démantèlement des centrales nucléaires, renforcée par des partenariats – Veolia pour les déchets radio-actifs, Orano au Japon, Nuclear Decommissioning Authority au Royaume-Uni, Sogin en Italie… ;

– Trois dispositions structurantes en France : le renforcement du cadre réglementaire, l’optimisation industrielle, EDF restant un groupe intégré, et la construction de nouvelles centrales nucléaires ;

– Du fait de la présence de l’Etat dans le capital, endettement noté A et taux de distribution élevé autour de 50 %, soit 0,31€ au titre de 2018.

EDF – Les points à surveiller

– Faible visibilité en raison de la dimension « politique » de la valeur : intervention de l’État, notamment sur la hausse des tarifs de l’électricité, débat sur la sûreté nucléaire, interrogations sur les impacts sur la rentabilité de l’ARENH (accès régulé à l’électricité nucléaire historique) et impact incertain du plan de transition énergétique ;

– Critiques sur les compteurs Linky – 4,5 Mds € d’investissements sur la période de déploiement 2014-2021 ;

– Bilan alourdi par les provisions pour l’aval du cycle nucléaire et pour la déconstruction nucléaire, d’où 30 Mds € de dettes ;

– Recul de la production nucléaire au Royaume-Uni, recul des marges des activités italiennes et belges et pertes de production au Brésil ;

– Nouveau report du démarrage de l’EPR de Flamanville, précédemment prévu pour 2018 ;

– Forte disparité de marge entre les divisions, la France et les énergies nouvelles étant les plus rentables;

– Secteur des « utilities » (producteurs d’eau, de gaz et d’électricité), traditionnellement considéré comme défensif mais actuellement considéré à risque dans un environnement de pression fiscale accrue ;

– Activité encadrée par la loi NOME (libre concurrence entre tous les acteurs du marché et revente du quart de la production d’électricité nucléaire d’EDF à ses concurrents) avec des prix de l’électricité administrés en France d’où des difficultés à faire passer le coût de maintien du réseau dans les tarifs ;

– Spéculations sur une scission d’EDF, imposée par le gouvernement, en deux sociétés, l’une dédiée au nucléaire l’autre aux renouvelables ;

– Avancées de la centrale de Flamanville 3 et respect du coût de la construction, fixé à 10,5 Mds€, et de celle de Heckley Point, ainsi que le démarrage du chantier chinois Taishan 1 et 2 ;

– Objectifs 2019 : excédent brut d’exploitation compris entre 15,3 et 16 Mds€, autofinancement positif et réduction des charges opérationnelles de 1,1 Md€ ;

– Société détenue par l’État à 84,3 %, dont 13,3 % ont été transposés à la BPI comme garantie pour son fonds d’innovation.

Services aux collectivités

La valeur boursière des grands utilities européens a fondu sur les dix dernières années. La capitalisation d’Engie (ex-GDF Suez) est tombée autour de 34 milliards après un plus haut de 98 milliards en 2008. Quant à EDF, sa valorisation avoisine les 40 milliards d’euros, contre un point haut à 155 milliards en 2007. Plusieurs facteurs pénalisent les valorisations : d’abord l’intervention des pouvoirs publics, qui n’est pas un gage de stabilité pour les investisseurs car les politiques peuvent varier. De plus, les décisions gouvernementales sont différentes d’un pays à l’autre : si la Pologne subventionne ses centrales à charbon, l’Allemagne au contraire va accompagner à hauteur de 40 milliards d’euros les collectivités et les acteurs pour une sortie progressive du charbon d’ici à 2038. Toutefois les énergéticiens positionnés sur les énergies renouvelables s’en tirent bien. C’est le cas de l’espagnol Iberdrola ou de l’italien Enel.

Publié le 04/10/2019 à 16h15

(NDLR : les contribuables français ont du souci à se faire si le projet Hercule voit le jour)

https://www.capital.fr/entreprises-marches/edf-leventuelle-scission-retardee-1352030