SEINE-ET-MARNE : LES HABITANTS DE 32 COMMUNES PROCHES DE LA CENTRALE NUCLÉAIRE NE SE RUENT PAS SUR L’IODE

Une campagne de distribution préventive de comprimés d’iode destinés à protéger la thyroïde a démarré dans 32 communes du sud-est du département. Sans affolement de la part des habitants.

« Le taux de retrait des comprimés d’iode tourne entre 15 et 20 %. C’est une campagne de longue haleine », remarque EDF, l’exploitant de la centrale nucléaire de Nogent-sur-Seine (Aube), à quelques kilomètres du sud-est de la Seine-et-Marne.

Ce n’est effectivement pas le grand rush dans les huit pharmacies du Provinois chargées, depuis la mi-septembre, de distribuer des comprimés d’iode stable. Ces médicaments protègent la thyroïde en cas d’accident nucléaire.

Cela n’a pas l’air d’affoler la population locale. « Pas du tout, confirme Thierry, un habitant de Provins, qui n’est pas encore allé chercher son bien. Je n’en vois pas trop l’utilité, si ce n’est de se donner bonne conscience. Cela fait 30 ans que la centrale de Nogent est là (NDLR : elle a été mise en service en 1987) et qu’on vit avec. »

Activé en cas d’incident ou accident nucléaire, le rayon du périmètre de sécurité de la centrale de Nogent a été étendu de 10 km cette année. Il englobe dédormais 32 communes de Seine-et-Marne. LPInfographie  

« Il vaudrait mieux un tunnel sous terre ou une grotte »

« Si la centrale pète, je ne vois pas ce que l’iode va changer. Il vaudrait mieux un tunnel ou une grotte », ironise David, un habitant de Léchelle, pourtant proche voisin de la centrale. Il a conservé les pastilles récupérées lors de la précédente campagne, il y a trois ans.

Julie, une Provinoise, est également dubitative mais elle est allée chercher ses comprimés. « Je sais qu’il y a des risques mais il ne faut pas penser au pire. »

« On m’a dit d’aller chercher des comprimés, alors j’en ai retiré pour mon mari, nos deux enfants et moi, témoigne Sophie. Je ne sais pas si cela fait quelque chose mais c’est bien de l’avoir. »

La campagne de distribution orchestrée par les pouvoirs publics et l’autorité de sûreté nucléaire tend à s’essouffler. « On a eu du monde les deux, trois premières semaines, puis c’est retombé comme un soufflet ! », résume une pharmacienne du centre de Provins.

« On en a surtout distribué au début, à des collectivités, des entreprises, en plus des particuliers mais des gens continuent à venir », tempère une de ses consœurs.

Le rayon du périmètre de sécurité étendu de 10 kilomètres

« Il n’y a pas de panique mais certains s’inquiètent quand même de cette distribution, rapporte une autre professionnelle. On a dû leur expliquer que le périmètre de sécurité de la centrale de Nogent a été élargi. »

Il a été étendu, cette année, de dix kilomètres autour de l’équipement nucléaire, pour un rayon d’action total de 20 kilomètres, activé en cas d’incident ou accident nucléaire.

Provins, le 20 novembre. La posologie est de deux comprimés par personnes âgées de plus de 12 ans. Elle est réduite jusqu’à un quart pour les bébés. LP/P.D.S.  

Il inclut désormais 32 villes du sud-est de la Seine-et-Marne (voir nottre carte), contre six auparavant. Soit 30 896 habitants identifiés, ce qui fait de notre département le deuxième le plus impacté, après l’Aube, par la campagne en cours visant à couvrir un territoire d’une centaine de communes et 80 000 habitants au total, l’Yonne et la Marne incluses.

« On ne parle pas d’étendre la zone de danger mais d’élargir le périmètre d’information et de sensibilisation de la population, souligne EDF. C’est pour cette raison que nous avons une démarche impliquant les personnes, pour que chacun soit acteur de sa prévention. » Et que les habitants concernés doivent eux-mêmes retirer leurs comprimés.

Les pharmacies du périmètre ont été approvisionnées, cet été. Des courriers ont été envoyés courant septembre aux foyers et aux établissements recevant du public (écoles, entreprises, etc.) ciblés.

Des bugs dans la distribution

Munis de ce document, les récipiendaires doivent retirer en pharmacie le nombre de boîtes correspondant à leurs besoins. « Il faut prendre en compte le nombre de personnes habitant le foyer mais aussi celles qui le fréquentent à titre ponctuel, comme d’autres membres de la famille », précise EDF.

Provins, le 20 novembre. Les Provinois sont invités à retirer des comprimés en échange de ce bon reçu chez eux. À défaut, ils peuvent présenter un justificatif de domicile à leur pharmacie. LP/P.D.S.  

À défaut d’avoir reçu un bon de retrait, les Provinois peuvent présenter un justificatif de domicile. La distribution connaît des bugs, en effet.

« Certains foyers ont reçu plusieurs bons et d’autres, rien », témoigne le gérant d’une pharmacie. « Je n’étais même pas au courant », s’étonne ainsi Alexandre, l’un de ses clients.

« Je n’en ai pas reçu moi-même. Cette distribution est mal gérée », s’agace Olivier Lavenka, le maire (LR) de Provins, qui a prévu de faire une nouvelle communication à ce sujet, dans le prochain magazine municipal et par SMS pour prévenir ses administrés.

EDF envisage aussi une piqûre de rappel. « Car l’autorité de sûreté nucléaire et les pouvoirs publics visent une couverture proche de 100 %. »

Provins, le 20 novembre. La distribution de comprimés s’accompagne d’une campagne d’information de la population. LP/Pascale De Souza  

L’iode stable protège la thyroïde en la saturant

L’iode stable est un oligoélément naturel, que l’on trouve dans certains aliments comme le poisson, la viande ou les fruits.

Les médicaments sont fabriqués par la Pharmacie centrale des armées, dans le Loiret, « avec de l’iode stable comparable à celui qui se trouve dans la nature », expliquent les pouvoirs publics.

Ils visent à protéger ses utilisateurs du cancer de la thyroïde inhérent à une catastrophe nucléaire.

« Il s’agit de saturer la thyroïde en iode stable, afin qu’elle ne soit pas réceptive à l’iode radioactif qui se dégage lors d’un accident nucléaire », explique un pharmacien de Provins.

Informations pratiques sur  https://www.distribution-iode.com/

Par Pascale De Souza, publié le 29 novembre 2019 à 12h33

Photo en titre : Provins, le 20 novembre. Huit pharmacies de Provins et ses environs assurent la distribution des comprimés d’iode stable, depuis la mi-septembre. LP/Pascale De Souza

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