Pour la toute première fois en Europe, en 2020, un niveau plus élevé d’électricité a été produit grâce aux énergies renouvelables qu’à l’aide de leurs équivalentes fossiles. Si la France a vu la production issue des premières progresser sur la période, elle reste largement en retard par rapport à d’autres pays du continent. Or le coût pour elle du soutien à ces énergies renouvelables explose déjà.
C’est une première dans l’histoire. Au premier semestre 2020, les énergies renouvelables européennes ont produit plus d’électricité que leurs équivalentes fossiles. Selon une étude du think tank européen Ember, l’éolien, le solaire, l’hydraulique et les bioénergies ont généré 40 % de l’électricité consommée par les 27 pays de l’Union. Les énergies fossiles n’en ont produit que 34 %. Cette proportion n’est néanmoins pas précisée pays par pays, ni les niveaux respectifs donnés en valeur.
Comparée au premier semestre 2019, la production d’électricité d’origine renouvelable a augmenté en Europe de 11 %. Une évolution due « aux nouvelles installations éoliennes et solaires et à des conditions favorables lors d’un début d’année doux et venteux« , estime Ember.
L’éolien et le solaire sont, à eux seuls, à l’origine de 21 % de la production totale d’électricité en Europe, de 64 % de celle du Danemark, de 49 % de celle d’Irlande et de 42 % de celle d’Allemagne. Mais loin derrière, la France n’a produit qu’un peu plus de 10 % de son électricité grâce à ces deux énergies.
Chute de l’électricité issue du fossile en Europe, et du nucléaire en France
La production d’électricité européenne à l’aide d’énergies fossiles a diminué de 18 % au premier semestre. C’est particulièrement le cas via le charbon (- 32 %) et le lignite (- 29 %). Une évolution négative en partie expliquée par une réduction globale de la demande d’électricité, d’environ 7 %. En conséquence, les émissions de CO2 des 27 pays de l’Union Européenne ont baissé d’environ 23 %.
Toujours relativement à part dans la production d’électricité, la France était « dans son propre monde nucléaire« , selon le think tank. Affectée par la crise sanitaire, la production d’électricité nucléaire a chuté d’environ 30 térawatt-heure au premier semestre 2020 par rapport à la même période de 2019.
Explicable par l’absence d’une partie du personnel en raison du confinement, obligeant l’arrêt de certaines opérations de maintenance, cette chute est 1,5 fois plus importante que la baisse de la demande en électricité du pays. Elle est cependant compensée « par une production éolienne et hydraulique plus importante« , selon l’étude (les deux ont produit, au total, un peu plus de 10 térawatt-heure de plus qu’au premier semestre 2019).
Les financements publics français pour les renouvelables explosent
Si la France veut rattraper son retard dans les énergies renouvelables par rapport à ses homologues européens, cela risque malheureusement de lui coûter très cher. La Commission de régulation de l’énergie (CRE) a fait ses calculs. Dans une délibération publiée le 17 juillet, le régulateur français estime que le soutien public au développement des énergies électriques renouvelables en France métropolitaine va s’établir à 5,8 milliards d’euros, soit 1,1 milliard de plus que le budget prévu en 2020.
La raison? « Cette hausse résulte très majoritairement de la baisse importante des prix de marché par rapport aux prix de marché attendus lors de l’évaluation de la prévision (- 18,5 €/MWh) en raison notamment de l’état d’urgence sanitaire« , explique la CRE dans sa délibération. En effet, les éoliennes et panneaux solaires bénéficiant d’un accès prioritaire au réseau de distribution d’électricité, ils n’ont cessé de produire pendant toute la période de confinement, quand bien même la demande d’électricité et les prix s’effondraient. Or afin de les favoriser, l’État leur garantit un certain prix de rachat de l’électricité qu’ils produisent… qui s’est retrouvé bien supérieur dans les faits aux prix de marché de l’électricité au plus fort de la crise du Covid-19.
Le montant prévisionnel des charges de service public de l’énergie (CSPE), qui financent aussi le biogaz, est pour sa part estimé à 9,1 milliards d’euros pour l’année 2021 par la CRE. Une hausse de 12 % par rapport au montant constaté en 2019, qui s’explique par un développement continu des parcs français solaires, éoliens et d’injection de biométhane.
Gare au « poids de la bulle photovoltaïque«
Aux yeux de la CRE, il va donc falloir trancher. « Pour atteindre les objectifs de politique énergétique en tenant compte du montant des charges à financer par le budget de l’État, il apparaît nécessaire de faire des choix quant aux installations à soutenir en fonction notamment du coût de leur soutien. »
L’aide au solaire va-t-elle en faire les frais. La CRE souligne ainsi « le poids de la bulle photovoltaïque constituée avant le moratoire de décembre 2010 et l’importance qu’il y aurait à tenter de le réduire. En effet, les installations bénéficiant d’un dispositif de soutien antérieur au moratoire, dont le tarif d’achat moyen est de 510 €/MWh, représentent 73 % des charges et 38 % de l’énergie photovoltaïque soutenue au titre de 2019« .
Par Rémi Amalvy publié le 27 juillet 2020
Photo en titre : La part renouvelable dans la production européenne d’électricité ne cesse d’augmenter.
https://www.usinenouvelle.com/article/pourquoi-rattraper-son-retard-dans-la-production-d-electricite-renouvelable-risque-de-couter-tres-cher-a-la-france.N988699
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