GUERRE ARMÉNIE / AZERBAÏDJAN : DES MISSILES TIRÉS SUR LA CENTRALE NUCLÉAIRE ARMÉNIENNE DE METSAMOR

Les relations diplomatiques entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie se sont considérablement dégradées au point que les deux pays en sont venus à s’affronter militairement avec, chaque jour, l’emploi d’armes de plus en plus puissantes. L’Azerbaïdjan et la Turquie ont officiellement menacé de détruire la centrale nucléaire de Metsamor, ce qui pourrait engendrer une catastrophe nucléaire pour toute la région. Menace mise à exécution le 2 octobre…

Depuis 25 ans, l’Arménie et l’Azerbaïdjan se disputent la région du Haut-Karabakh (sud Caucase) dans des escarmouches quasi-quotidiennes. Après 4 ans d’une situation à peu près contrôlable, les affrontements se sont amplifiés le 12 juillet 2020 et ont débouché sur une guerre ouverte le 27 septembre 2020.

Le Haut-Karabakh est une région autonome principalement peuplée d’Arméniens. De février 1988 à mai 1994, la guerre du Haut-Karabakh oppose les Arméniens de l’enclave, alliés à la république d’Arménie, et la république d’Azerbaïdjan alors intégrée à l’URSS. L’Arménie en sort victorieuse, au prix de 15 000 morts au total, et un cessez-le-feu est en vigueur depuis.

Si les deux camps se rejettent mutuellement la responsabilité des hostilités, les escarmouches ont fait place à une guerre ouverte avec l’emploi d’armement lourd (chars d’assaut, artillerie, drones, avions, hélicoptères, missiles…).
L’Azerbaïdjan a porté ses effectifs militaires à 100 000 soldats contre 45 000 en Arménie.

Plusieurs milliers de soldats et dizaines de civils sont déjà morts.

Ce conflit localisé, qui peut nous sembler lointain, pourrait bien constituer une menace sérieuse pour toute la région depuis que les forces armées azerbaïdjanaises menacent la centrale nucléaire de Metsamor en Arménie avec des missiles.

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En effet, frapper une centrale nucléaire – qui n’est absolument pas protégée contre de telles attaques – pourrait entraîner une véritable catastrophe nucléaire pour l’Arménie mais aussi les pays voisins comme la Russie, la Géorgie, la Turquie, l’Iran et même l’Azerbaïdjan.

La centrale nucléaire de Metsamor en Arménie, d’une puissance de 408 MW, est considérée comme l’une des centrales les plus à risques dans le monde. Construite dans les années 1970 et donc obsolète, elle ne comporte pas de structure de confinement primaire. En outre, elle se situe dans une région à forte sismicité. Cela n’a pas empêché le gouvernement arménien de prolonger sa durée d’exploitation jusqu’en 2026.

L’Azerbaïdjan a officiellement menacé de frapper la centrale nucléaire, ce qui pourrait entraîner une situation critique pour toute la région, relate le site de défense Avia.pro : « La partie arménienne ne doit pas oublier que les derniers systèmes de missiles qui sont dans l’arsenal de notre armée permettent de frapper la centrale nucléaire arménienne avec une grande précision, ce qui peut conduire à une grande catastrophe pour l’Arménie » a déclaré le chef du service de presse du ministère azerbaïdjanais de la défense, Vagif Dargahli.

En réponse, le ministre arménien de la Justice, Rustam Badasyan interpelle la communauté internationale : « L’Azerbaïdjan menace de détruire la centrale nucléaire de Metsamor. Je pense que cela devrait inquiéter toute la région ainsi que la communauté internationale ».

De plus, l’Arménie a transféré d’urgence des systèmes de défense anti-aériens autour de la centrale nucléaire. Si elle était détruite, cela priverait immédiatement 40 % du pays d’électricité, puis engendrerait une catastrophe environnementale avec des émissions radioactives durables et une gestion toujours extrêmement compliquée et coûteuse comme en témoignent les accidents majeurs de Tchernobyl et Fukushima dont les conséquences ne sont toujours pas réglées.

2 octobre 2020 : tirs de missiles sur la centrale nucléaire

Alors que le conflit entre les deux pays est devenu majeur, le 2 octobre 2020, l’Azerbaïdjan a vraisemblablement visé la centrale nucléaire arménienne avec 2 missiles tactiques « Tochka-U« .

Ce missile balistique tactique connu sous le nom de SS-21 Scarab B, pèse 2 tonnes, a une portée de 120 km et peut être doté d’une ogive de 482 kg, conventionnelle, chimique, biologique ou nucléaire (de 10 à 200 kilotonnes suivant modèle d’ogive choisi).

Défilé du système de lancement du missile Tochka-U, le 26 juin 2013 à Bakou (Azerbaïdjan), Crédit : Rorsah-photo / Wikimedia – Licence : CC0

Heureusement, ils ont été interceptés par les Complexes anti-aériens russes S-300, avec succès, à seulement 43 à 45 kilomètres de la cible, seulement quelques secondes avant un impact catastrophique.

Le même jour, l’Azerbaïdjan a attaqué la centrale hydroélectrique du nord de la région de Kashatagh.

Ces attaques contre des centres civils de production d’électricité violent les articles 48 et 52 du Protocole additionnel I des conventions de Genève.

La Russie et la Turquie s’impliquent dans le conflit

La Russie s’est récemment impliquée dans le conflit dans le cadre de l’Organisation du Traité de sécurité collective (OTSC) qui permet à l’Arménie de recevoir une assistance militaire en cas de menace extérieure. Ainsi, la Russie protège l’espace aérien de l’Arménie avec ses radars et hélicoptères de combat. De plus, elle a mobilisé de puissantes unités d’artillerie, des chars, des avions de chasse et des soldats près des frontières avec l’Azerbaïdjan.

De son côté, la Turquie a fait part de son entière solidarité avec ses « frères » d’Azerbaïdjan. À ce titre, le président du parlement turc juge les « provocations » et les « actions agressives de l’Arménie » responsables du conflit. Pire, la Turquie menace prendre part au conflit : « Nous condamnons fermement l’attaque ignoble contre la région de Tovuz en Azerbaïdjan. La douleur de l’Azerbaïdjan est notre douleur. La mort de l’armée azerbaïdjanaise ne restera pas sans réponse», a déclaré Hulusi Akar, chef du ministère turc de la Défense.

Le 19 juillet, la Turquie a mis ces menaces à exécution en recrutant des mercenaires et en transférant des drones d’attaque en Azerbaïdjan.
Le 30 juillet, la Turquie massait des chars, de l’artillerie et des hélicoptères d’attaque dans ce qui pourrait être une menace d’invasion de l’Arménie.
Le 28 septembre 2020, la Turquie a attaqué l’Arménie avec ses chasseurs F-16, ce qui a poussé le défenseur à menacer la Turquie de frappes tactiques de missiles qui a elle-même répondu en menaçant également de détruire la centrale nucléaire de Metsamor.

L’Iran, se montre implacable avec le moindre écart comme en témoigne la destruction d’un chasseur de l’Azerbaïdjan qui aurait violé les frontières de l’Iran.

La France a vivement réagi à l’implication de la Turquie : « selon nos propres renseignements, 300 combattants ont quitté la Syrie pour rejoindre Bakou en passant par Gaziantep (Turquie). Ils sont connus, tracés, identifiés. Ils viennent de groupes djihadistes qui opèrent dans la région d’Alep« , a déclaré le Président Macron le 2 octobre 2020.

Notons enfin qu’Israël et la Biélorussie y trouvent leurs comptes en vendant leurs armements à l’Azerbaïdjan.

Les centrales nucléaires : des cibles vulnérables aux conséquences catastrophiques

Si les pourparlers se poursuivent activement, sous la pression des grandes puissances, pour mettre fin à cette nouvelle guerre, cela nous rappelle combien l’énergie nucléaire est une source d’énergie centralisée extrêmement vulnérable et dangereuse : aucune centrale nucléaire n’est construite pour endurer une frappe de missile, d’autant plus que les munitions anti-bunker (bombes ou obus) sont communs depuis la 2nde Guerre Mondiale.

En France, même l’EPR de Flamanville (toujours en cours de construction) ne serait pas capable de résister à la chute d’un avion de ligne, expliquait le réseau Sortir du Nucléaire.
« En dépit du ton rassurant adopté par les autorités de sûreté françaises (démenties par des experts de la sûreté en France comme par les spécialistes de l’Agence internationale de l’énergie atomique), le risque est bien celui d’un accident majeur : outre le fait que les réacteurs ne sont pas conçus pour résister à un choc de cet ordre, les experts du bâtiment s’accordent à dire qu’aucune construction d’acier et de béton ne peut être garantie contre l’impact d’un avion lourd chargé en carburant. Dans le cas de l’enceinte d’un réacteur nucléaire, ceci pourrait conduire à un scénario de relâchement de radioactivité comparable à celui de Tchernobyl. » détaillait le rapport de WISE suite aux attentats du World Trade Center en 2001.

La simple destruction d’une centrale nucléaire peut priver d’électricité une région entière et la polluer pour des milliers d’années à cause de la radioactivité, obligeant les populations riveraines à se déplacer définitivement…

Par Christophe Magdelaine / notre-planete.info, publié le 2 octobre 2020

Photo en titre : La centrale nucléaire de Metsamor (Arménie) © Bouarf / Wikimedia – Licence : CC BY-SA

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