Sur les tableurs Excel, comme dans les prévisions et sur les fiches des ingénieurs du nucléaire, démanteler une installation nucléaire c’est du tout cuit et ça peut rapporter gros. Notamment en réincorporant les déchets radioactifs dans des biens de consommation courante. Dans la réalité c’est onéreux, long, dangereux et polluant sans régler pour autant la question des déchets mortels ainsi générés. Et ça dissimule à tour de bras les coups tordus.
Depuis 2012 l’installation nucléaire Georges-Besse 1 d’Areva-Orano, produisant de l’uranium enrichi pour les réacteurs et l’armement, située sur le plus grand site atomique de France, est à l’arrêt pour démantèlement. Huit ans plus tard une plainte est déposée pour neuf infractions à la réglementation nucléaire et pour délit de pollution des eaux.
Une plainte pour 9 infractions à la réglementation nucléaire et pour délit de pollution des eaux vient d’être déposée contre Areva-Orano au Tricastin déjà condamnée en justice le 4 février 2020 pour des infractions et sa gestion calamiteuse des déchets d’une de ses autres installations nucléaire (TU5)* traitant le nitrate d’uranyle en provenance d’Orano la Hague (Manche). Condamné dans le même temps à une amende de 11000€.
Défaillances, « écarts« , infractions, violation de la réglementation
Du point de vue juridique, alors que la santé publique et l’environnement sont atteints, le fait d’exploiter une Installation Nucléaire de Base (INB) en violation de l’arrêté du 7 février 2012 et des décisions réglementaires de l’ASN ne relève que d’une contravention de la 5e classe tandis que le terme « Écart » à la réglementation est un terme technique du monde nucléaire, dont la qualification juridique – la violation à la réglementation – ne constitue là encore qu’une contravention de la 5ème classe.
Arrêtée en 2012, l’usine d’enrichissement de l’uranium Georges-Besse 1 créée en 1973 au Tricastin par le Commissariat à l’Energie Atomique et devenue la filiale Eurodif-Diffusion (1) d’Areva-Orano n’a non seulement produit des dizaines de milliers de tonnes de déchets radioactifs mortels mais a aussi pollué à tour de bras aux toxiques perchloréthylène et trichloréthylène (2) la nappe alluviale située sous le site. Une pollution cyclique et quasi permanente dont un rapport d’inspection d’octobre 2019 de l’Autorité de sûreté nucléaire montre qu’Areva (Orano Cycle) n’a pas voulu endiguer sérieusement.
L’appareillage spécifique mis en place par Areva-Orano en mars 2014 visant soi-disant à pomper, traiter et réinjecter l’eau de la nappe alluviale reposait sur un procédé pourtant refusé par l’ASN car plus destiné à empêcher les tuyaux de s’entartrer qu’à empêcher la pollution. Conséquence : ce procédé a conduit à réinjecter de l’eau acidifiée dans la nappe tandis que l’installation se colmatait en permanence faisant que, en plus de 6 ans, elle n’a pas fonctionné plus de 199 jours. Un succès technologique et d’ingénierie nucléaire, une dissimulation qui a conduit à la poursuite de la pollution de la nappe.
En août 2020 un nouveau rapport d’inspection a révélé qu’Areva-Orano avait aussi minimisé de plusieurs tonnes la quantité de déchets produits par les opérations de détartrage de l’installation. Des bordereaux entretenaient la confusion entre différents déchets liquides toxiques, des effluents acides étant étiquetés comme de l’eau hydrocarburée. Les opérations de détartrage de l’installation étaient réalisées sans aucune assurance qualité, l’important étant visiblement de faire au plus vite et au moins cher pour rendre invisible la saloperie. En supplément les déchets provenant de certains équipements n’avaient même pas de destination de stockage voir n’étaient pas du tout pris en compte et, cerise sur le gâteau, certains déchets nucléaires n’étaient pas étiquetés comme tel… D’autres « négligences » sont également apparues tel ce robinet censé être maintenu fermé retrouvé ouvert avec le risque d’une nouvelle pollution de la nappe ou encore un risque de déversement de substances chimiques vers un cours d’eau voisin…
Tant que toutes les installations nucléaires ne seront pas fermées, mises à l’arrêt et placées sous surveillance en attendant leur démantèlement éventuel, le sinistre feuilleton continuera, les atteintes à la santé et à la vie de la population se poursuivra, le business de la mort radioactive civile et militaire se perpétuera sur les descendants.
Voir aussi :
. Areva-Orano Tricastin : des contrôles qui tournent à la pagnolade mais révèlent le chaos quotidien ,
. Orano-Areva condamnée pour publicité mensongère et trompeuse, visant à induire le public en erreur ,
. Socatri : incroyable, le dispositif de détection sismique et anti-incendie n’a jamais été mis en service ,
. Tricastin Areva : fuite de 30kg d’oxyde d’uranium radioactifs après la rupture de confinement d’une tuyauterie aérienne
. Démantèlement dément d’Eurodif Tricastin : la presse régionale grande complice
* inspection inopinée des installations W et TU5 (INB n° 155 de 300 ha) par l’ASN en date du 6 mars 2018, qui a révélé de nombreuses infractions d’Orano Cycle similaires à ceux déjà relevés lors de l’inspection du 26 avril 2017 concernant l’étiquetage des déchets, le tri et la prévention des mélanges entre les déchets et les matériels, des zones d’entreposage de déchets nucléaires non conformes, la traçabilité des déchets présents, la gestion du zonage déchets nucléaires temporaire, le processus de gestion des écarts relatifs à la gestion des déchets, la gestion des fiches de zonage « Déchets ». Sans omettre quelques problèmes pour l’accès au dispositif de lutte contre l’incendie encombré par des déchets alors qu’une porte coupe-feu était défectueuse.
L’usine W est une ICPE qui transforme l’hexafluorure d’uranium naturel appauvri – en provenance de l’établissement de l’usine Georges Besse et de la SET/usine Georges Besse II – en oxyde d’uranium stable pour un entreposage de longue durée. Cette usine est opérationnelle depuis 1984 et a vu sa capacité doublée en 1993.
L’atelier TU5 traite le nitrate d’uranyle en provenance d’Orano la Hague. Le nitrate d’uranyle, un des produits résultant du retraitement des combustibles usés des centrales électronucléaires, est converti en tétrafluorure d’uranium ou en oxyde d’uranium. La configuration technique actuelle de l’installation ne lui permet pas de fabriquer d’UF4. A l’instar de l’usine W, l’atelier TU5 produit un oxyde d’uranium stable. Cet atelier fonctionne depuis 1996. Le parc P18 entrepose l’oxyde d’uranium stable issu de l’atelier TU5. L’installation peut mettre en œuvre jusqu’à 2000 tonnes d’uranium par an. L’uranium de retraitement est, pour une part, entreposé sur le site Orano de Pierrelatte, l’autre part étant expédiée à l’étranger pour enrichissement.
Principales matières nucléaires manipulées : Atelier TU5 : Nitrate d’uranyle UO2 (NO3 ) 2, oxyde d’uranium UO4 et U3O8 (URT [U5 ] <5%) ; Parc P18 : sesquioxyde d’uranium U3O8 provenant de l’URT et appauvri ; Usine W : hexafluorure d’uranium appauvri UF6 ,oxyde U3O8.
Principaux produits chimiques manipulés: Atelier TU5 : acide nitrique HNO3 , acide fluorhydrique à 70% HF, peroxyde d’hydrogène à 70% H2O2; Usine W : hydrogène H2 , acide fluorhydrique à 70% (anhydre et aqueux) HF; Stockage HF : solution d’HF à 70% ~ 75%
(1) Eurodif SA, a été créée en 1973 par le CEA pour l’enrichissement de l’uranium nécessaire d’une part aux réacteurs électro-atomiques et d’autre part à l’armement. Cette structure est détenue à 60% par le Commissariat à l’Energie Atomique/Cogema et à 40% par l’Iran via l’Organisation iranienne à l’énergie atomique Sofidif. Aujourd’hui la répartition de l’actionnariat est le suivant : France Areva NC (44,65 %), Iran Sofidif (25 %), Belgique Synatom (11,11 %) ex Soben, Espagne Enusa Industrias Avanzadas SA (11,11 %) et l’Italie Agenzia Nazionale per le Nuove tecnologie ENEA (8,13 %). Eurodif SA possède l’usine Georges Besse II et la SOCiété Auxiliaire du TRIcastin (Socatri) qui reconditionne les matériels et effluents contaminés en provenance d’Eurodif.
(2) le perchloréthylène, solvant qui se dégrade très lentement est classé parmi les cancérogènes probables. Toxique pour le système nerveux et les reins, il l’est aussi pour les organismes aquatiques. Le trichloréthylène, solvant toxique pour le système nerveux, est classé parmi les cancérogènes.
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Par Rédaction, publié le samedi 3 octobre 2020 à 14h23
http://coordination-antinucleaire-sudest.net/2012/index.php?post/2020-10-03_impossible-demantelement-nucleaire_plaintes-en-cacascades-contre-Areva-Orano-et-son-usine-Eurodif-Georges-Besse-I-du-Tricastin
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