ASSISTE-T-ON À UNE RÉHABILITATION DU NUCLÉAIRE DANS LE DÉBAT PUBLIC ?

Dans le champ politique, le discours pro-nucléaire se décomplexe, au motif de l’urgence climatique.

La centrale de Cattenom s’affiche majestueuse et fière, sur toute la couverture de l’Obs. Une centrale nucléaire, et la vapeur d’eau qui s’élève dans le ciel, à la une de l’hebdomadaire de gauche. Le titre est encore plus éloquent : « la revanche du nucléaire ».

Le sous-titre nous précise le thème de l’enquête : « du cauchemar écologique à la solution climatique ? » (NDLR : avec un titre pareil, vous savez que vous avez affaire à une « pub pro nucléaire et anti-écolo »)

Cette couverture et ce dossier, fort intéressants, racontent bien le changement que nous sommes en train de vivre.

Longtemps, l’atome a eu mauvaise presse et ceux qui le défendaient mauvaise conscience (NDLR : mauvaise conscience ? Ça m’étonnerait !). Sur la défensive, ils se voyaient renvoyer au visage les catastrophes de Tchernobyl puis, plus récemment, de Fukushima.

C’est d’ailleurs après l’accident au Japon, en 2011, qu’Angela Merkel a décidé de fermer les centrales en Allemagne.

Mais, avec l’urgence climatique et la nécessité de produire une énergie dé-carbonnée, les partisans de l’atome ont trouvé une nouvelle vigueur.

Ainsi dans le débat présidentiel en cours, Emmanuel Macron affiche sa volonté de bâtir de nouveaux réacteurs. La droite surenchérit, Xavier Bertrand promet 10 EPR supplémentaires. Qu’importe si celui de Flamanville est encore en construction, avec moult retard et dépassement de budget initial. Le Rassemblement national est lui aussi pro-atome.

À gauche, l’investissement dans le nucléaire est ardemment défendu par Arnaud Montebourg, ancien ministre socialiste, et par Fabien Roussel, le candidat du Parti communiste, au nom, dit-il, de la confiance en la science.

Alors bien sûr, le parti communiste français n’a jamais été anti-nucléaire, mais cette fois, il est à l’offensive sur ce sujet. 

Les pro-nucléaires se sont décomplexés. Le vent serait-il en train de tourner… en défaveur des éoliennes ? 

À gauche, deux autres candidats majeurs sont eux favorables à l’arrêt complet du recours à l’énergie atomique. Yannick Jadot et Jean-Luc Mélenchon. Mais ce dernier a dû reculer son objectif. Après avoir promis une sortie totale en 2030, il évoque désormais 2045.

Plus largement, des personnalités tournent casaque. Yann Arthus-Bertrand, qui a photographié la planète sous toute ses coutures, est un néo-converti : « j’ai été anti-nucléaire pendant très longtemps, un peu par principe », dit-il. « Mais il ne pourra pas y avoir de transition énergétique durable sans le nucléaire ». 

À l’international, là encore quelques signaux de ce léger glissement idéologique.

En Finlande, le parti écologiste est depuis peu favorable à la hausse de la part du nucléaire, via la construction de petites centrales. 

En Allemagne, récemment, le chef de file des conservateurs, Armin Laschet, a pris ses distances avec la décision d’Angela Merkel, pourtant issue du même parti que lui : « c’était une erreur de sortir du nucléaire avant de sortir du charbon » a-t-il lancé, en allusion à la production d’électricité carbonée qui a toujours cours en Allemagne. (NDLR : mais qui diminue d’année en année)

Ces prises de position se multiplient alors que les experts anticipent une croissance de la consommation d’électricité.

En France, 30% d’ici à 2050, selon le scénario central de RTE. Cela en raison de l’électrification des véhicules, de l’industrie, mais aussi de la croissance démographique, nous dit le gestionnaire du réseau de transport de l’électricité. (NDLR : ces « prévisions » sont comme un mantra : à force de les répéter, on finit par y croire et le faire croire aux autres)

Il y a urgence à faire un choix, dit en substance la note publiée hier par la Cour des comptes. 

Or, dans ce débat public, il est un mot trop souvent absent : la sobriété. Autrement dit, l’économie d’énergie. Qui suppose une révolution des mentalités. 

Le combat n’est pas gagné d’avance. Tiens, dans l’Obs, la première page intérieure du magazine est une publicité pour une voiture de luxe… 100% électrique. Sobriété, disions-nous ? 

Par Frédéric Says, publié le 19 novembre 2021

Photo en titre : Les tours de refroidissement de la central de Cattenom, en Moselle. Crédits : Jean-Christophe VerhaegenAFP

https://www.franceculture.fr/emissions/le-billet-politique/assiste-t-on-a-une-rehabilitation-du-nucleaire-dans-le-debat-public

NDLR : Tant que la majeure partie des médias sera dans les mains des grands groupes financiers, le mot « sobriété » sera exclu !