EN ALLEMAGNE, L’ÉPINEUX PROBLÈME DU STOCKAGE DES DÉCHETS NUCLÉAIRES

Les trois derniers réacteurs seront mis à l’arrêt le 31 décembre 2022, mais l’Allemagne ne dispose toujours pas de centre d’enfouissement profond pour ses déchets radioactifs. Après deux tentatives qui ont échoué, les autorités allemandes ont tout remis à plat avec l’objectif de parvenir à identifier un lieu définitif d’ici à 2031.

Fin 2022, l’Allemagne tournera définitivement la page de l’énergie nucléaire. Conformément au calendrier fixé en 2011, le pays débranchera le 31 décembre prochain les trois derniers réacteurs encore en activité, dans le Bade-Wurtemberg, en Bavière et en Basse-Saxe, à la frontière avec les Pays-Bas. Cependant, ce sera loin d’être la fin de l’histoire pour les déchets issus de 70 ans d’activité. Les plus radioactifs représentent un volume estimé à 27 000 mètres cubes, tandis que d’ici à 2080, jusqu’à 620 000 m3 de matériaux moyennement et faiblement radioactifs devraient s’accumuler, notamment du fait des opérations de démantèlement. Mais qu’en faire, sachant que le pays, très en retard par rapport à d’autres comme la France ou la Suède, n’a toujours pas identifié de lieu pour les enfouir définitivement ?

Centres provisoires en surface

Actuellement, ceux de faible intensité radioactive sont rassemblés dans des centres provisoires en surface, généralement installés à proximité des centrales nucléaires en cours de déconstruction. Tandis que la mine de sel de Asse (Basse-Saxe) a été abandonnée en raison de fissures, c’est finalement l’ancienne mine de minerai de fer Konrad non loin, à Salzgitter, qui devrait être convertie et accueillir à partir de 2024 jusqu’à 303 000 m3 de ces substances peu ou pas exothermiques. Mais pour les catégories les plus hautement radioactives, la question reste ouverte.

Pendant plusieurs années, l’Allemagne avait cru tenir la solution, avec la mine de sel désaffectée de Gorleben, au sud de Hambourg. Mais après trois décennies de protestations et de manifestations de la part des riverains, elle a été rayée de la liste des candidats. Officiellement pour des raisons de sécurité, car le dôme de sel ne remplissait pas les conditions de solidité et d’étanchéité requises. Alors même que l’État a investi pas moins de 1,9 milliard d’euros dans son entretien et les travaux d’exploration.

Retour à la case départ

Face à ce fiasco, il a été décidé en 2020 de tout remettre à plat, sous l’égide de l’Agence fédérale pour le stockage définitif des déchets (Bundesgesellschaft für Endlagerung, BGE). Créée en 2016, l’institution a pour mission d’identifier un site définitif d’ici à 2031 et de le mettre en service en 2050. Pour cela, elle a présenté, en septembre 2021, une cartographie des sous-sols pouvant potentiellement accueillir les fûts radioactifs. Elle montre que 240 000 km2, soit 54% du territoire allemand, sont éligibles à un dépôt en profondeur. Au nord du pays, la géologie est surtout composée de sous-sols argileux, au centre du pays d’anciennes mines de sel et dans le sud-ouest de formations cristallines. En raison de l’activité sismique, les zones frontalières avec la France, la Belgique et le Luxembourg ont été écartées.

A partir de cette première analyse, les recherches s’affineront. « Dans un deuxième temps, nous affinerons l’analyse de la géologie et mettrons en corrélation avec les critères techniques et de sécurité d’un entreposage définitif, prévu pour un million d’années, ainsi qu’avec l’environnement extérieur (habitations, zones naturelles protégées…) », précise Stefan Studt, président du BGE. D’ici deux à quatre ans, l’institution espère pouvoir raccourcir la liste à une dizaine de lieux avant de les soumettre au débat public et politique, en particulier au Bundestag.

Mais après l’exemple de Gorleben, le processus de sélection impliquera dorénavant dès le départ toutes les parties prenantes pour améliorer l’acceptation. « Nous voulons être transparents, participatifs. Toutes les étapes et décisions seront rendues publiques et accessibles aux politiques, scientifiques et citoyens. Mais nous avons aussi besoin d’un accompagnement critique, mais constructif de la part de tous », appelle Stefan Studt. Certains Länder, comme la Bavière, n’ont déjà pas caché leur réticence à accueillir un tel centre sur leur sol. Le débat s’annonce animé.

Par Gwénaëlle Deboutte, publié le 03 Février 2022 à 14h00

Photo en titre : La centrale nucléaire de Neckarwestheim, dans le Bade-Wurtemberg, l’une des dernières encore en activité en Allemagne.

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