L’Iran est accusé de ne pas coopérer avec l’agence internationale de l’énergie atomique (AIEA). L’organisation attend des réponses crédibles concernant des traces d’uranium enrichi repérées sur trois sites non déclarés dans le pays.
Le Conseil des gouverneurs de l’AIEA s’ouvre lundi à Vienne avec au programme, un projet de résolution occidentale admonestant l’Iran, sur fond d’impasse des négociations pour restaurer l’accord nucléaire de 2015. Ce texte élaboré par les États-Unis et l’E3 (Royaume-Uni, France et Allemagne) exhorte Téhéran à « coopérer pleinement » avec l’Agence internationale de l’énergie atomique.
S’il est adopté par les 35 États membres du Conseil, réuni au siège de l’AIEA en Autriche jusqu’à vendredi, il s’agira de la première résolution critique depuis juin 2020, signe de l’impatience grandissante des Occidentaux. Car la République islamique s’affranchit chaque jour un peu plus de ses engagements nucléaires, tout en restreignant sa collaboration avec l’instance onusienne, chargée de s’assurer du caractère pacifique de son programme. Dans un récent rapport, l’AIEA a dénoncé l’absence de « réponses satisfaisantes » et « techniquement crédibles » de l’Iran concernant des traces d’uranium enrichi retrouvées sur trois sites non déclarés dans le pays.
Adresser « un message«
Même si ces activités remontent à avant 2003, « rien n’excuse l’incapacité systématique de l’Iran à coopérer de manière sérieuse à l’enquête de l’Agence« , estime Kelsey Davenport, experte de l’Arms Control Association. « Une résolution critique est nécessaire pour envoyer un message, signaler que cette obstruction aura des conséquences« , poursuit-elle.
Le ministre iranien des Affaires étrangères, Hossein Amir-Abdollahian a rappelé vendredi, lors d’une conversation téléphonique avec son homologue européen, Josep Borrell, que «Toute action politique des États-Unis et des trois pays européens au sein de l’AIEA provoquerait sans aucun doute une réponse proportionnée, efficace et immédiate de la part de la République islamique d’Iran».
Les pourparlers concernant l’accord de 2015 ont démarré en avril 2021 à Vienne, dans le but de faire revenir les États-Unis de Joe Biden dans le giron de ce pacte censé empêcher la République islamique de fabriquer la bombe atomique, intention qu’elle nie. Washington s’en était retiré en 2018 sous la présidence de Donald Trump, qui jugeait le texte insuffisant et a rétabli les sanctions économiques contre Téhéran, entraînant un délitement de l’accord.
Un tel vote au Conseil de l’AIEA pourrait « entraver le processus de négociations« , ont également réagi la Chine et la Russie, les deux États qui restent parties au texte aux côtés de l’E3. Dans un tweet, l’ambassadeur russe Mikhaïl Oulianov a appelé à « redoubler d’efforts diplomatiques » au lieu de défier l’Iran via une résolution.
Dans l’ombre de l’Ukraine
Même si le climat se tend, Clément Therme, chercheur associé à l’Institut international d’études iraniennes (Rasanah), n’imagine pas à ce stade une rupture des discussions. « Dans le contexte de la guerre en Ukraine, les Européens ne sont pas prêts à déclencher une nouvelle crise avec l’Iran« , juge-t-il. « Le document est formulé de manière à laisser la porte ouverte« .
Les pourparlers butent actuellement sur un obstacle majeur: le refus de Joe Biden de céder à une demande clé de Téhéran, le retrait de l’armée idéologique de l’Iran de la liste noire américaine des « organisations terroristes« . L’aile politique de la Maison Blanche redoute en effet les critiques de républicains avant les élections législatives de novembre. Si M. Biden craint « un coût politique élevé, c’est peu de chose en comparaison de la menace d’un Iran doté de l’arme nucléaire« , insiste Kelsey Davenport. Et d’appeler l’administration américaine à « mettre les bouchées doubles pour trouver des solutions créatives » afin de parvenir à un compromis.
D’après les dernières estimations de l’AIEA, la République islamique dispose désormais de 43,1 kg d’uranium enrichi à 60%. « Une quantité qui, si elle est enrichie à 90%, est suffisante pour construire une bombe sous 10 jours« , dans le pire des scénarios, avertit cette spécialiste de la prolifération.
Par A.A avec AFP, publié le 06/06/2022 à 11h37
Image en titre : Le logo de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), à son siège à Vienne, le 1er mars 2021 – JOE KLAMAR © 2019 AFP
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