AUDE – POSSIBLE DISPARITION DE L’INSTITUT DE RADIOPROTECTION ET DE SÛRETÉ NUCLÉAIRE : « ÇA SE PASSE AU MOMENT OU EMMANUEL MACRON VEUT RELANCER LE NUCLÉAIRE », ALERTE MARYSE ARDITI

Le Gouvernement a annoncé le 8 février sa volonté de réformer le contrôle de la sûreté nucléaire, qui pourrait faire disparaître l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN). L’Audoise Maryse Arditi, docteur en physique nucléaire, avait participé à son comité de direction en tant que présidente de l’Institut national de l’environnement industriel et des risques. Elle cosigne dans Le Monde une tribune contre cette volonté gouvernementale.

Qu’elle est la conséquence de cette réforme méconnue du grand public ?

Ça veut dire à très court terme : disparition de l’IRSN, l’Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire.

Qu’est-ce que c’est ?

Dans le champ du nucléaire, l’IRSN est un organisme indépendant qui fait le lien entre ceux qui produisent, comme EDF, Orano… et l’ASN, l’Autorité de Sûreté Nucléaire, qui, lui, est un organisme à la fois chargé du contrôle et de la décision. Il est donc essentiel que celui qui prend la décision ne soit pas seul à contrôler.

Que fait concrètement l’IRSN ?

Il effectue des expertises pour assurer la sécurité des installations nucléaires, en particulier quand apparaissent des phénomènes imprévus de corrosion accélérée. Il assure la recherche indispensable pour que l’expertise reste toujours au meilleur niveau, et la surveillance de l’environnement sur le plan de la radioactivité (mesure de la radioactivité dans l’air, l’eau, les sols, la végétation) y compris la radioprotection des populations.

Il est essentiel que celui qui prend la décision ne soit pas seul à contrôler.

Mais il travaille aussi au plus près du terrain, avec les associations ?

Oui et c’est étonnant dans le domaine du nucléaire : l’IRSN s’est appliqué à ouvrir son travail à la société civile, en particulier à toutes les associations branchées sur le nucléaire, avec des groupes de travail permanents ou des formations ponctuelles comme des journées sur l’impact des faibles doses.

Pouvez-vous nous donner un exemple concret de l’intérêt d’un organisme de contrôle indépendant ?

Commençons par une histoire simple : Vous êtes un industriel et vous mettez au point un nouveau produit. Bien sûr, vous allez faire attention aux risques, mais sans excès, car vous souhaitez faire aboutir votre projet. Une instance extérieure, experte dans le domaine, sera plus apte à détecter l’ensemble des risques. Et c’est au vu de cette analyse que l’autorité qui a le pouvoir de donner l’autorisation va donner le feu vert ou pas.

Prenons l’exemple de l’enquête publique sur l’usine d’hydrogène à Port La Nouvelle. L’administration a demandé à un organisme extérieur, l’INERIS, compétent sur l’hydrogène, d’expertiser la qualité de l’étude de dangers. Il a dû renvoyer 3 fois l’étude à l’industriel pour insuffisance et oubli de nombreux risques afin qu’il complète son étude. Ce type d’organisme joue donc un rôle essentiel dans la sûreté des installations.

Si fusion il y a et si l’IRSN est englobé dans l’ASN, le contrôle et la décision émaneront du même organisme ?

Exactement. Et ça se passe au moment où Emmanuel Macron veut relancer le nucléaire, prolongeant la durée de vie des installations existantes et en concevant de nouvelles installations, les 6 EPR le plus vite possible, puis 14 nouveaux.

Donc c’est inquiétant ?

Très. Il faut savoir que l’IRSN a prouvé son intégrité. Il vient à la fois du Commissariat de l’Énergie Atomique et de l’OPRI, la radioprotection. La crédibilité ne se décrète pas, elle se gagne. La société civile opposée au nucléaire était plus que méfiante au début. Elle a progressivement reconnu l’importance et la fiabilité de l’IRSN, même si elle n’a pas toujours approuvé ses expertises. Probablement que la politique d’ouverture à la société civile, si rare dans le nucléaire, y a contribué. L’IRSN est aujourd’hui un organisme mondialement reconnu dans le domaine de la sécurité nucléaire et rien ne peut justifier la dernière décision d’Emmanuel Macron. En faisant disparaître l’IRSN, il envoie la partie expertise vers l’ASN et la partie recherche rejoindra le CEA. Pour la partie radioprotection, c’est flou. Quant à l’ouverture à la société civile, tout le monde du nucléaire se réjouira de la voir enfin disparaître.

Qu’est-ce qui motive selon vous cette décision ?

L’envie d’aller le plus vite possible.

Par Véronique Durand, (suivre ce journaliste, Voir les commentaires), publié le 22/02/2023 à 18hh22 , mis à jour à 18h24

Photo en titre : Maryse Arditi : « il est temps de s’inquiéter ! » (archives). Independant – CHRISTOPHE BARREAU

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