FINANCEMENT DU NUCLÉAIRE : LA PISTE DU LIVRET A EST TOUJOURS « EN RÉFLEXION » (ÉRIC LOMBARD, CAISSE DES DÉPOTS)

Lors de la présentation des résultats annuels de la Caisse des Dépôts, ce jeudi 23 mars, le directeur général, Éric Lombard, a confirmé que le financement du nucléaire faisait partie des « sujets sur la table » avec EDF et l’État. La balle est désormais dans le camp du pouvoir politique et de l’énergéticien. Explications.

Alors que l’Assemblée nationale vient d’adopter, en première lecture, le projet de loi de relance du secteur nucléaire, la question du financement des six nouveaux réacteurs EPR à horizon 2035 et du lancement des études pour huit autres se pose encore. Qui va payer : EDF ? L’État ? Si le gouvernement espère débuter les travaux de génie civil dès l’année prochaine, il se doit d’arbitrer sur une facture estimée à 51,7 milliards d’euros, voire à plus de 56 milliards en cas de difficulté.

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Sachant que les 56 réacteurs nucléaires français, fruits du plan Messmer et construits entre le début des années 1970 et le début des années 2000, ont été financés par l’énergéticien, sur ses fonds propres, puis par emprunt, ce schéma est impossible à reproduire aujourd’hui au regard de l’endettement colossal du groupe, supérieur à 60 milliards d’euros. Pour répondre à ce besoin de financement, l’exécutif pourrait ainsi se tourner du côté de la Caisse des Dépôts.

Un premier contact il y a sept mois entre la « Caisse » et EDF

Selon nos informations, le bras armé financier de l’État est effectivement entré en contact, il y a sept mois, avec la direction financière d’EDF. Grâce au Livret A, la « Caisse » sait en effet proposer des financements de 30 à 80 ans pour le logement social, les infrastructures et le portage de foncier. « Nous sommes dans l’horizon du financement du nucléaire », confiait, début février à La Tribune, une source proche du dossier.

D’autant qu’en janvier dernier à l’Assemblée nationale et au Sénat, le directeur général Éric Lombard, alors candidat à sa succession, s’était exprimé sur ce thème.

« Je suis convaincu que l’épargne populaire, du Livret A, du Livret de développement durable et solidaire, du Livret d’épargne populaire qui, au total, atteint 500 milliards d’euros aujourd’hui, peut davantage encore financer la transformation de notre appareil de production énergétique », avait-il affirmé.

« Cela fait partie des sujets sur la table »

L’hypothèse a, à nouveau, été évoquée ce jeudi 23 mars, lors de la présentation des résultats annuels de la Caisse des Dépôts. « Le sujet est en cours de réflexion, EDF et l’État travaillant à la construction de ce programme et à son cadre juridique », a déclaré le directeur général, confirmé à son poste le 11 janvier dernier.

« Cela fait partie des sujets sur la table, aussi évoqué par la ministre [de la Transition énergétique] Agnès Pannier-Runacher », a ajouté Éric Lombard.

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Rappelant que les fonds d’épargne s’élevaient à 350 milliards d’euros, et les prêts à 190 milliards, le patron n’a pas donné de montant potentiel, mais martelé que « cela ne représenterait qu’une petite partie de [ses] actifs et de [ses] engagements annuels ».

« La construction de logements sociaux, ainsi que la rénovation thermique, constituent notre priorité centrale. Les centrales nucléaires ne représenteraient qu’une petite proportion », a-t-il insisté.

La balle est désormais dans le camp de l’énergéticien

Sur 100 euros de Livret A, dont le taux d’intérêt s’établit désormais à 3%, 60 euros vont en effet rue de Lille – au siège social de la Caisse des dépôts – et 40 restent au sein des banques.

Autrement dit, sur les 33,5 milliards collectés en 2022, 10 milliards d’euros pourraient toujours être prêtés aux bailleurs en 2023. S’agissant des 23 milliards d’euros restants, d’habitude confiés à la division gestion d’actifs de la Caisse, 10 à 20 milliards pourraient donc être fléchés vers EDF.

La balle est désormais dans le camp du pouvoir politique et de l’énergéticien. La direction financière de ce dernier va arbitrer entre obligations sur les marchés financiers et prêts de long-terme. « Le fonds d’épargne sera une partie importante de l’équation financière », disait encore, à La Tribune, cette source proche du dossier. Rien qu’en janvier et février, la collecte nette de livret A, dopé par le relèvement du taux à 3%, a atteint le record de 15,5 milliards d’euros.

Par César Armand , publié le 23 Mars 2023 à 12h14

Photo en titre : « La construction de logements sociaux ainsi que la rénovation thermique constituent notre priorité centrale. Les centrales nucléaires ne représenteraient qu’une petite proportion », a déclaré le directeur général de la Caisse des Dépôts, Éric Lombard, lors de la présentation de ses résultats annuels 2022. (Crédits : Charles Platiau)

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