LE G7 VEUT ÉJECTER LA RUSSIE DU MARCHÉ DU NUCLÉAIRE ET DE L’URANIUM

Bonne chance !

Le gaz et le pétrole russes ont été au centre de toutes les attentions ces derniers mois, alors que les nations occidentales, soutiens de l’Ukraine dans sa guerre contre l’envahisseur, essayaient de survivre à la militarisation de l’énergie initiée par le président russe, Vladimir Poutine.

Mais quid de l’uranium ? Dans ce dantesque bras de fer et ces échanges de sanctions et d’embargos, il s’est fait beaucoup plus discret. Et pourtant, l’uranium et, plus généralement, le nucléaire, sont pour la Russie de puissants atouts financiers, un domaine sur lequel elle règne en maître, une puissance dominatrice dont l’Occident a bien du mal à se passer –notamment la France, livrée en décembre.

Les choses sont toutefois, peut-être, en train de changer. Le 11 avril dernier, Bloomberg rapportait ainsi que le marché commençait timidement à se détourner de la Russie pour se fournir en uranium enrichi.

Un petit basculement dont essaient de profiter d’autres acteurs, comme le tricolore Orano, et qui pourrait fortement s’accentuer: en marge de la réunion environnementale du G7 à Sapporo (Japon), qui s’est tenue du 14 au 16 avril, les puissances nucléaires du groupement que sont la France, le Canada, le Japon, les États-Unis et le Royaume-Uni se sont engagées à éjecter la Russie des chaînes d’approvisionnement en uranium enrichi.

«Cet accord servira de base pour pousser Poutine en dehors du marché du carburant nucléaire, et pour le faire aussi rapidement que possible», a déclaré sans fard et de manière plutôt offensive Grant Shapps, secrétaire d’État britannique à l’Énergie, ainsi que le rapporte Bloomberg.

Diplomatie atomique

De fières paroles et un objectif ambitieux, qui risque pourtant de se heurter rapidement aux réalités du marché –du moins hors grandes puissances nucléaires du G7: comme nous l’expliquions en février, la Russie et son bras nucléaire Rosatom continuent à tisser, dans le monde entier, leur domination dans le domaine de l’atome.

Au cœur d’une diplomatie russe de l’atome de très long terme qui n’est pas sans conséquences, notamment concernant l’actuelle guerre menée contre l’Ukraine, des projets de construction de centrales sont ainsi en cours en Égypte –le lancement des travaux de la première du genre dans le pays a été annoncé en juillet dernier–, en Turquie, en Iran, en Chine –à qui Rosatom fournit aussi de l’uranium enrichi–, en Hongrie, peut-être bientôt en Afrique du Sud, et la liste ne s’arrête pas là.

Comme le note le média américain, les puissances nucléaires occidentales ont jusqu’ici feint d’ignorer le domaine atomique, de peur de ne pouvoir se passer de l’uranium enrichi russe, sans lequel les dégâts économiques auraient sans doute été plus grands encore qu’avec les privations de gaz ou de pétrole.

«Rosatom fournit à peu près un cinquième de l’uranium enrichi nécessaire pour les quatre-vingt-douze réacteurs situés aux États-Unis. En Europe, des centrales produisant de l’électricité pour 100 millions de personnes dépendent de cette entreprise», écrivait en effet Jonathan Tirone en février pour Bloomberg.

Le comportement irresponsable du Kremlin dans la centrale de Tchernobyl –où des employés travaillaient de manière continue, sans pouvoir rentrer se reposer chez eux et étaient en permanence surveillés par les soldats russes–, puis de Zaporijjia –où les craintes d’un accident restent vives selon l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), qui décrit une centrale «en sursis»–, a été rappelé par les représentants des nations du G7 désireuses d’éjecter la Russie du marché de l’atome.

« La Russie a démontré qu’elle n’était pas un fournisseur fiable », a ainsi affirmé la secrétaire d’État américaine à l’Énergie, Jennifer Granholm, qui a émis le vœu de transformer les chaînes d’approvisionnement mondiales du nucléaire et de « travailler avec des firmes et pays qui partagent [les] valeurs [occidentales] ». Les valeurs sont certes une chose, mais le marché en est une autre : les réalités financières et industrielles du monde moderne pourraient en décider autrement.

Repéré par Thomas Burgel sur Bloomberg, publié le 18/04/2023 à 7h06

Photo en titre : La centrale nucléaire de Leningrad, à l’ouest de Saint-Pétersbourg (Russie), le 14 septembre 2022. | Sezgin Pancar / Anadolu Agency / Anadolu Agency via AFP

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