NUCLÉAIRE : L’ITALO-BRITANNIQUE NEWCLEO VEUT INVESTIR 3 MILLIARDS EN FRANCE POUR SON PETIT RÉACTEUR ET UNE USINE DE COMBUSTIBLES

Newcleo veut construire dans l’Hexagone un premier petit réacteur d’une puissance de 30 mégawatts et une unité pilote dédiée à la fabrication de combustibles recyclés. À la clef : la création de 500 emplois directs sur le territoire d’ici à 2030, assure la startup fondée par trois Italiens et basée au Royaume-Uni.

Dans la famille des petits réacteurs nucléaires, le premier à voir le jour dans l’Hexagone pourrait être d’origine italienne. À l’occasion de la sixième édition du sommet Choose France, la grand-messe dédiée aux investisseurs étrangers organisée ce lundi à Versailles par Emmanuel Macron, la startup Newcleo a annoncé prévoir investir jusqu’à 3 milliards d’euros sur la période 2022-2030 en France, confirmant une information du Figaro. Cette enveloppe comprendra des investissements industriels, des dépenses de R&D et d’ingénierie.

Basée au Royaume-Uni, Newcleo a été créée en septembre 2021 par un trio d’Italiens : Stefano Buono, cofondateur d’Advanced Accelerator Application, une biotech cotée au Nasdaq, Luciano Cinotti, ingénieur nucléaire détenteur de nombreux brevets dans le domaine, et la physicienne Elisabeth Rizzotti. Outre son siège à Londres, la jeune pousse dispose d’un centre de recherche à Turin dans le nord de l’Italie et d’une première filiale basée à Lyon. Laquelle emploie 70 personnes, essentiellement des ingénieurs. Des dizaines de recrutements sont actuellement en cours et l’antenne française devrait regrouper une centaine de collaborateurs d’ici à la fin de l’année.

Un réacteur innovant et une usine à combustibles

Newcleo développe un petit réacteur modulaire fonctionnant à partir de neutrons rapides et refroidi au plomb, une technologie déjà éprouvée par le passé, notamment par le réacteur Superphénix. L’une de ses grandes promesses est de fonctionner à partir de combustibles déjà irradiés, ce qui permettrait de réduire le volume de déchets nucléaires. Le réacteur doit aussi permettre de réduire la radiotoxicité de ces déchets grâce à un procédé de transmutation, assure la jeune pousse. En termes de sûreté, Newcleo fait valoir l’avantage d’un refroidissement au plomb : si le réacteur s’éteint, le plomb durcit et crée un sarcophage autour de la matière nucléaire. Reste qu’il demeure plus exposé aux problèmes de corrosion.

La startup entend opérer un premier démonstrateur d’une puissance de 30 mégawatts en France à l’horizon 2030, puis un deuxième réacteur d’une puissance beaucoup plus importante (200 mégawatts) au Royaume-Uni, deux ans plus tard. Elle envisage un large panel de marchés : la vente d’électricité décarbonée et de combustibles recyclés, la production d’hydrogène, mais aussi des applications médicales et le marché de la propulsion navale.

Les trois milliards d’euros d’investissements annoncés sont exclusivement dédiés aux projets tricolores de Newcleo. Au-delà du premier démonstrateur, la jeune pousse entend ouvrir sur le sol français une unité pilote dédiée à la fabrication de combustibles recyclés de type Mox. Dans cette optique, elle est entrée en discussions avec le géant français Orano, seul industriel à produire du combustible Mox sur son site de Malvési, près de Narbonne (Aude).

La création de 500 emplois directs

Le combustible Mox est fabriqué à partir de combustibles irradiés une première fois dans le parc nucléaire français. Le plutonium extrait de ces combustibles usés est ensuite associé à de l’uranium appauvri. Les crayons de combustibles ainsi recyclés sont alors chargés dans certains réacteurs d’EDF pour un nouveau cycle. Actuellement, ce combustible Mox ne peut pas être recyclé une nouvelle fois, mais Newcleo entend développer un outil industriel permettant justement le multi recyclage.

« La mise en service du démonstrateur LFR de 30 MWe et de l’unité pilote de combustible MOX associée permettront de créer en France plus de 500 emplois directs qualifiés à l’horizon 2030 », précise Newcleo dans un communiqué de presse.

La startup s’engage ainsi à ce que « les technologies clés innovantes » soient mises au point « dans le cadre de programmes de recherche avec des organismes et des industriels français et européens ». « L’ingénierie et la supply chain seront organisées au cœur du tissu industriel hexagonal », ajoute-t-elle.

Newcleo mène actuellement des discussions pour trouver deux sites d’implantation sur le territoire français. Ces implantations se trouveront nécessairement sur des sites déjà nucléarisés, précise la startup. Une condition sine qua non pour tenir les délais annoncés et obtenir les autorisations administratives en temps et en heure.

Une levée d’un milliard et des fonds publics

Après une première levée de fonds de 400 millions d’euros auprès de la famille Agnelli, du gestionnaire d’actifs italien Azimut Holdings et de plusieurs investisseurs individuels italiens, la startup a initié, début mars, un nouveau tour de table. Elle cherche à lever, d’ici la fin de l’année, un milliard d’euros pour son développement global. Dans cette optique, le trio italien espère convaincre des grands fonds internationaux et des family offices.

En parallèle, Newcleo a candidaté à l’appel à projets « Réacteurs nucléaires innovants », lancé dans le cadre du plan France 2030. Les lauréats, dont les noms seront connus d’ici le début de l’été, se partageront une enveloppe de 500 millions d’euros.

Par Juliette Raynal, publié le 15 mai 2023 à 14h59

Photo en titre : (Crédits : Newcleo)

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