NEWCLEO VEUT GAGNER LA COURSE AUX SMR AVEC SON RÉACTEUR À NEUTRONS RAPIDES REFROIDI AU PLOMB

Dans la cour mondiale aux petits réacteurs nucléaires modulaires (SMR), l’anglo-italien Newcleo pointe en tête en Europe. Son dirigeant fondateur, Stefano Buono, explique à L’Usine Nouvelle comment il compte mettre en service un premier mini-réacteur à neutrons rapides refroidi au plomb, en France, dès 2030.

Les mini-réacteurs nucléaires de 4e génération, capables de fermer le cycle du combustible, pourraient arriver plus vite que prévu. S’ils ne sont pas attendus avant 2040 du côté du CEA, la start-up britannique Newcleo, créée en 2021 par des Italiens, affirme être prête à construire un mini-réacteur à neutrons rapides refroidi au plomb de 30 MWe, en France, dès 2030. Elle prévoit aussi d’ouvrir une ligne de production de combustible MOX, grâce à un investissement de 3 milliards d’euros. Selon son PDG fondateur, Stefano Buono, si l’entreprise a déjà levé 400 millions d’euros et s’avère bien partie pour en lever 1 milliard supplémentaire, c’est que sa PME de 150 personnes possède un atout unique pour gagner la course.

Cet atout prend la forme de 14 brevets déposés par son directeur scientifique Luciano Cinotti, un expert des réacteurs refroidis au sodium (comme Superphénix) qui a coordonné pendant 20 ans tous les projets de recherche sur le refroidissement au plomb dans le monde. Contrairement au sodium, le plomb est un réfrigérant compatible avec l’air et l’eau qui permet un système passif d’évacuation de la puissance résiduelle. Sa solidification (à 330°C) emprisonne le cœur dans un sarcophage inaccessible. Et sa température d’ébullition très élevée exclut le risque de fusion du cœur. « Luciano Cinotti a été financé par un investisseur américain et a pu déposer des brevets, raconte Stefano Buono. Je savais qu’il était le meilleur et qu’il avait le meilleur projet. J’ai acheté la société qui possédait les brevets à l’Américain. » L’Italien, également passionné de nucléaire, venait de vendre à Novartis sa biotech de médecine nucléaire Advanced Accelerator Application AAA, pour près de 4 milliards de dollars.

Cœur autoporteur et cuve amphore

Ces 14 brevets, auxquels s’ajoutent trois nouveaux, permettent à Newcleo de proposer un nouveau standard industriel innovant et robuste de réacteur à neutrons rapides (RNR) refroidi au plomb liquide (ou Lead Fast Reactor, LFR), affirme l’entreprise dans sa communication. Le design de SMR imaginé par Luciano Cinotti propose notamment de fixer l’élément combustible tête hors du réfrigérant par le haut et non immergé fixé par le bas, de faire entrer le fluide primaire dans la partie inférieure des générateurs au lieu de la partie supérieure ou encore d’installer les pompes sur le collecteur chaud, et non plus sur le froid. Dans le LFR de Newcleo, les barres de commande seront à l’extérieur du cœur et la partie interne de la cuve est plus grande en bas qu’en haut – lui conférant une forme d’amphore.

Grâce à son design, la start-up dit pouvoir atteindre 42% de rendement (son réacteur serait ainsi «100 fois plus efficace» que les réacteurs à eau), un coût de production entre 40 et 60 €/MWh et une solution n’émettant que 2 g de CO2/ KWh, soit proche de la neutralité carbone, contre 4 g eq CO2/kWh pour le parc nucléaire français (Ndf : Sic !) et ses réacteurs à eau pressurisée, dont le bilan carbone est plombé par l’extraction du minerai d’uranium. Les LFP de Newcleo comptent en effet brûler les tonnes de plutonium disponibles au Royaume-Uni et en France, issues du recyclage des combustibles usés du parc nucléaire. Mais l’entreprise veut produire elle-même son combustible. « Nous investirons directement dans une usine MOX, à proximité des gisements de plutonium, pour alimenter nos réacteurs dans les pays développés », explique Stefano Buono.

Un précurseur électrique pour valider la métallurgie

Newcleo se dit même prêt à présenter ses plans à l’Autorité de sûreté du nucléaire (ASN) française, avec qui il a commencé à discuter pour obtenir une licence. Il ne lui resterait plus qu’à trouver de la place sur un site nucléaire, si possible « en vallée du Rhône », et à valider des questions de métallurgie. Pour ce faire, la start-up annonce pour 2026 la mise en service sur le site de recherche italien de Brasimone d’un prototype non nucléaire, chauffé à l’électricité, de 10 MWth. Ce « précurseur », qui reproduira à l’échelle les composants d’un mini-LFR, permettra de tester rigoureusement leur résistance au plomb.

D’ici à 2030, elle lancera la construction en France d’un mini-LFR de 30 MWe ayant comme combustible du MOX classique, puis, en 2032, d’une version de 200 MWe au Royaume-Uni. Ce dernier devrait avoir la capacité de « brûler les déchets nucléaires existants » et de « fermer complètement le cycle du combustible », affirme Newcleo.

Ce ne serait qu’une étape. À plus long terme, l’entreprise explique vouloir développer des réacteurs pilotés par accélérateur (accelerator driven system ou ADS) en déployant des combustibles innovants, notamment le thorium. L’ADS est un concept proposé par le prix Nobel Carlo Rubbia dans lequel la génération d’énergie est contrôlée par une cascade de réactions générées par un accélérateur de particules. Il offrirait « les conditions ultimes » pour une « sécurité totale »… mais Newcleo n’en est pas encore là.

Par Aurélie Barbaux , publié le 30 mai 2023 à 11h00

Photo en titre : L’atout de Newcleo, les 14 brevets déposés par l’expert nucléaire Luciano Cinnotti, le directeur scientifique (au centre), racheté par le PDG fondateur Stefano Buono (à droite) et développé avec la directrice des opérations Elisabeth Rizzotti (à droite). © Newcleo

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NDLR : Encore des milliards qui ne seront pas investis dans le renouvelable !!!