NUCLÉAIRE : 12 ANS APRÈS FUKUSHIMA, LE JAPON ÉTEND LA DURÉE DE VIE DE SES RÉACTEURS

Le Parlement nippon a voté en faveur d’une loi permettant d’étendre la vie des réacteurs nucléaires au Japon, et ce, au-delà de 60 ans. Objectif affiché, améliorer la sécurité de l’approvisionnement électrique de l’archipel et l’aider à atteindre ses objectifs climatiques. Douze ans après l’accident de la centrale de Fukushima, cette décision marque, plus que jamais, la revanche du nucléaire au Japon.

Le Japon semble avoir définitivement tourné la page du terrible accident de la centrale de Fukushima. Suite à la catastrophe survenue en 2011 et causée par un gigantesque tsunami sur la côte nord-est du pays après un très violent séisme sous-marin, tout le parc nucléaire nippon avait été arrêté.

Or, ce mercredi, le Parlement a adopté une loi étendant la durée de vie des réacteurs nucléaires sur l’archipel au-delà de 60 ans. Concrètement, cette mesure va permettre d’exclure de la durée totale de service les périodes d’arrêt des réacteurs dues à leur mise en conformité avec les nouvelles règles de sécurité nucléaire introduites au Japon après la catastrophe de 2011, ou liées à des injonctions provisoires de tribunaux.

La nouvelle législation implique par ailleurs un contrôle des réacteurs par l’Autorité japonaise de sûreté nucléaire (NRA) tous les dix ans au moins au bout de 30 ans de service.

Une relance du nucléaire assumée au Japon…

Sur 33 réacteurs théoriquement opérables dans le pays, seuls 10 ont redémarré depuis, après s’être mis en conformité avec des normes de sécurité considérablement relevées (Ndf : Sic !). Actuellement, neuf réacteurs sont en fonctionnement au Japon, tous situés dans l’ouest ou le sud-ouest de l’archipel.

Cette mesure fait partie de la stratégie annoncée l’été dernier par le Premier ministre Fumio Kishida pour relancer le nucléaire dans le pays, quelques mois après le choc énergétique provoqué par le déclenchement de la guerre en Ukraine. La NRA avait donné son accord en février.

… et en France

En France aussi, le Parlement français a définitivement adopté, mi-mai, le projet de loi de relance du nucléaire, par un ultime vote de l’Assemblée nationale. Une semaine après un large soutien du Sénat, les députés ont voté le texte par 399 voix contre 100, avec une coalition de voix du camp présidentiel, de LR, du RN et de communistes. Seuls les groupes écologiste et LFI ont voté contre. Le PS, qui s’était opposé au texte en première lecture, s’est cette fois abstenu, après avoir décrit le nucléaire comme une « énergie de transition » vers les renouvelables.

La ministre de la Transition énergétique Agnès Pannier-Runacher a vanté un « texte majeur » pour « produire une énergie indépendante, compétitive et décarbonée », et appelé de ses vœux un « consensus politique » en matière énergétique. Technique, le projet de loi français simplifie les démarches afin de concrétiser l’ambition d’Emmanuel Macron de bâtir six nouveaux réacteurs EPR à l’horizon 2035, et de lancer des études pour huit autres.

Il concerne les nouvelles installations situées dans des sites nucléaires existants ou à proximité, comme à Penly (Seine-Maritime), Gravelines (Nord)… Dans le sillage du Sénat, les parlementaires ont levé un verrou introduit en 2015 sous François Hollande, et déjà modifié sous Emmanuel Macron. Le texte supprime ainsi l’objectif d’une réduction à 50% de la part de l’énergie nucléaire dans le mix électrique français d’ici à 2035 (initialement 2025), tout comme le plafond de 63,2 gigawatts de capacité totale de production nucléaire autorisée. Au grand dam des opposants au nucléaire, il prend de vitesse la future loi de programmation pluriannuelle de l’énergie, attendue au mieux cet été.

Autre point sensible, le texte durcit les sanctions en cas d’intrusion dans les centrales, avec une peine portée d’un à deux ans de prison et de 15 000 à 30 000 euros d’amende. Comme prévu, les parlementaires n’ont toutefois pas réintroduit la réforme controversée de la sûreté nucléaire voulue par le gouvernement. Mais l’exécutif juge toujours nécessaire de fondre l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), expert technique, au sein de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN), le gendarme des centrales, malgré les protestations des syndicats.

Enfin, députés et sénateurs ont enlevé, en commission mixte paritaire, un amendement voté à l’Assemblée qui visait à empêcher toute fusion en garantissant une organisation duale entre IRSN et ASN. Ce texte sur le nucléaire fait suite à une loi d’accélération des énergies renouvelables, adoptée en février.

L’Allemagne, elle, y renonce

En avril, l’Allemagne, elle, a mis à l’arrêt ses trois derniers réacteurs nucléaires, aboutissement de plus de 20 ans d’abandon progressif de l’énergie atomique dans le pays, malgré les controverses et la récente crise énergétique en Europe. La première puissance industrielle d’Europe a respecté, à quelques mois près, le calendrier de la transition énergétique fixé au début des années 2000 et accéléré en 2011, après la catastrophe de Fukushima, par un revirement spectaculaire de l’ex-chancelière Angela Merkel.

Cette stratégie de renoncement à l’atome, perçu comme dangereux par de larges pans de la population, déconcerte nombre de partenaires de l’Allemagne qui estiment que le nucléaire a un rôle à jouer pour décarboner la production d’électricité. La crise gazière déclenchée par la guerre en Ukraine a mis une pression supplémentaire sur Berlin. Et relancé le débat, dans la classe politique comme au sein de l’opinion, sur l’opportunité de fermer les centrales.

Depuis 2003, le pays avait déjà fermé 16 réacteurs. L’invasion de l’Ukraine a marqué une césure. Privée du gaz russe dont Moscou a interrompu l’essentiel des flux, l’Allemagne s’est retrouvée exposée aux scénarios économiques les plus noirs. Le gouvernement d’Olaf Scholz a prolongé le fonctionnement des réacteurs de quelques mois, par rapport à l’arrêt initialement fixé au 31 décembre. L’hiver s’est finalement déroulé sans pénuries, la Russie a été remplacée par d’autres fournisseurs de gaz.

Les trois dernières centrales n’ont fourni que 6% de l’électricité produite en Allemagne l’an dernier, alors que le nucléaire représentait 30,8% du mix en 1997. Entre-temps, la part des énergies renouvelables a atteint 46% en 2022, contre moins de 25% dix ans plus tôt. Mais en Allemagne, le plus gros émetteur de CO2 de l’Union européenne, le charbon représente encore un tiers de la production électrique, avec une hausse de 8% l’an dernier pour faire face à l’absence de gaz russe.

Par latribune.fr avec AFP, publié le 1er mai 2023 à 10h29

Photo en titre : La nouvelle législation implique par ailleurs un contrôle des réacteurs par la NRA tous les dix ans au moins au bout de 30 ans de service (Photo d’illustration). (Crédits : Reuters)

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