Face à la volonté du gouvernement de fusionner les deux organes de contrôle du nucléaire en France, le député PS Gérard Leseul exprime ses réserves quant au fondement même du projet.
Cela sonne un peu comme une revanche. L’Élysée a annoncé, mercredi 19 juillet, un nouveau projet de loi pour la fusion des deux institutions chargées de la sûreté nucléaire en France « d’ici à l’automne ». Relancé par un rapport produit par l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst) en faveur de cette fusion, publié la semaine dernière, le gouvernement est de retour après sa défaite dans l’hémicycle en mars. L’opposition avait voté la suppression de l’amendement de la loi d’accélération nucléaire qui visait à dissoudre l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) pour l’intégrer à l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN). Les opposants à cette réforme dénoncent le manque d’indépendance qu’elle provoquerait, en plus de la question de l’emploi pour les 1 700 experts de l’IRSN qui ne pourront pas tous être intégrés à l’ASN. Aujourd’hui l’IRSN, rattaché à plusieurs ministères, est considéré comme l’organe d’expertise de la sûreté nucléaire alors que l’ASN est vu comme le gendarme, appliquant les avis fournis par la première entité. Gérard Leseul, député de la 5ème circonscription de Seine-Maritime, déplore le manque d’explications fournies par la majorité sur les raisons de cette réforme.
Quelle perception avez-vous de l’annonce du gouvernement ?
Cela donne l’impression que la présidence attendait un appui de l’Opecst quant à cette fusion. Que ce soit dans le rapport ou dans les propos du Président je n’ai toujours pas trouvé d’éléments tangibles et formels attestant de la nécessité de cette fusion. Il est légitime de se poser la question d’une réforme, ce qui l’est moins est de ne pas faire la phase de diagnostic sur les forces et faiblesses du système actuel. Nous l’avions demandé à la ministre de la Transition énergétique au printemps avant de s’embarquer dans cette fusion. Sans succès. L’intérêt d’un projet de loi, c’est qu’il s’accompagne au moins d’une étude d’impact. Il manque toujours la brique de base pour réfléchir intelligemment sur cette réforme.
Qu’est-ce qui vous inquiète dans ce projet de fusion ?
Le gouvernement reprend son projet de manière plus propre qu’au printemps mais ça ne règle en rien le fond du problème. Je reste inquiet sur la motivation profonde quant à la fusion. Je pense qu’il y a des raisons qui peuvent être justifiées et sérieuses mais le Parlement ne possède pas ces éléments. Il y a, semble-t-il, un rapport qui a été remis au gouvernement en début d’année en faveur de cette fusion mais je n’y ai pas accès. Nous n’avons pas d’éléments tangibles. Je reste sur ma faim après cette annonce. Je souhaite pouvoir avoir une nouvelle discussion parlementaire avec l’IRSN et l’ASN.
L’IRSN est-il totalement opposé à ce projet ?
Au-delà des questions de préservation de l’emploi, l’IRSN et son intersyndicale sont attachés à l’intérêt général de la sûreté nucléaire. Ils sont prêts à avoir une discussion sur les points négatifs du système actuel. Seulement, ils doivent être considérés comme des partenaires légitimes et non pas comme des pions. Le gouvernement suit sa ligne sans respecter le dialogue avec les partenaires, au risque de crisper le débat.
Comment appréhendez-vous le parcours parlementaire de cette réforme ?
Il n’y a pas d’opposition de principe. Il faut qu’on puisse nous convaincre du bien-fondé du projet. Il est légitime de se poser la question de l’organisation de notre sûreté nucléaire alors que le gouvernement table sur une relance de cette technologie, encore faut-il que le Parlement ait toutes les informations permettant d’apprécier le sujet avant de prendre une décision.
Que dire du rapport de l’Opecst ?
Je pense que les rapporteurs sont convaincus de ce qu’ils ont écrit, mais je regrette que les deux premières recommandations ne soient pas étayées. Il y a peut-être un côté effet d’aubaine pour la présidence car elle peut appuyer son projet de réforme sur ce rapport. Mais je suis mille fois d’accord avec la dernière recommandation qui indique que le Parlement doit être saisi et doit reprendre tout son poids dans la discussion sur le nucléaire.
Par Louis Vial, publié le 20 juillet 2023 à 15h47
Photo en titre : Dans l’EPR de Flamanville, le 14 juin 2022. (Adeline Keil/Libération)
https://www.liberation.fr/environnement/nucleaire/securite-nucleaire-il-manque-la-brique-de-base-pour-reflechir-intelligemment-sur-cette-reforme-20230720_ST365IZXQFF2PK3Y2G5BLQBJVU/
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