UN NOUVEAU MODÈLE DE SOUS-MARIN NUCLÉAIRE D’ATTAQUE IDENTIFIÉ EN CHINE

Si toute l’attention médiatique est aujourd’hui focalisée sur les évolutions du conflit en Ukraine, les autres théâtres d’opération et d’affrontement potentiel continuent d’évoluer. C’est particulièrement le cas en Asie et sur le théâtre indo-pacifique, alors que les annonces se succèdent concernant le développement de nouvelles capacités à Taïwan, au Japon, en Corée du Sud et surtout en République Populaire de Chine.

Parmi ces révélations, la diffusion d’une photo satellite montrant un nouveau modèle de sous-marin nucléaire d’attaque chinois mérite une attention toute particulière, tant la dimension sous-marine constituera, dans les années à venir, un espace de confrontation majeur entre Pékin et le camp occidental.

Jusqu’il y a peu, les submersibles militaires chinois étaient considérés de moindre qualité, et avaient la réputation d’être moins performants et surtout beaucoup plus bruyants que leurs homologues occidentaux les plus modernes.

Mais avec l’arrivée des sous-marins conventionnels à propulsion anaérobie Type 039A de la classe Yuan (2006), puis des évolutions du sous-marin nucléaire d’attaque Type 093A de la classe Shang II (2015), avaient montré que Pékin avait rapidement comblé son retard dans ce domaine.

Le nouveau cliché satellite de Planet Labs (En illustration principale) montre quant à lui un nouveau modèle de SNA en cours de finition aux chantiers navals Huludao dans le nord de la Chine.

Même si la qualité de l’image n’est pas optimale, deux aspects marquent toutefois une profonde évolution concernant la Classe Shang II, avec l’ajout de systèmes de lancement verticaux ainsi que d’une hélice propulsive carénée de type pump-jet, laissant supposer des capacités opérationnelles et acoustiques encore améliorées pour la flotte sous-marine chinoise.

La Chine aligne à ce jour 6 SNA Type 093 sont 4 Type 093A. Chaque sous-marin a des caractéristiques et des modifications propres, laissant supposer que la classe Shang I/II est tout autant une classe opérationnelle que de maturation technologique

L’aspect général du nouveau sous-marin, ainsi que sa longueur évaluée à 110 mètres, laisse penser qu’il ne s’agit pas d’une nouvelle classe de SNA chinois, mais d’une évolution significative du Type 093A Shang II.

Pour autant, les deux évolutions observées dépassent de loin les évolutions itératives observées sur chacun des Shang II observés à ce jour, laissant supposer qu’il s’agit effectivement d’une évolution majeure du modèle, et donc probablement d’une nouvelle classe, identifiée temporairement comme Type 093B, et non de la nouvelle classe de SNA Type 095 en cours de conception. On peut aisément imaginer que cette nouvelle classe constituera une nouvelle étape dans l’évolution rapide des savoir-faire et des technologies sous-marines des chantiers navals chinois.

L’ajout de ce qui semble être 18 silos de lancement verticaux offre aux nouveaux sous-marins chinois des capacités tant en termes de sous-marin nucléaire d’attaque, comme les Astute britanniques et les Suffren français, et les sous-marins nucléaires lance-missiles, comme la classe Iassen russe.

Cette solution a notamment été retenue également par les États-Unis avec les sous-marins nucléaires de la classe Virginia équipés, eux aussi, de 12 silos verticaux. Ces silos permettent d’embarquer et de mettre en œuvre des missiles de croisière offrant des capacités de frappe vers la terre, mais aussi des modèles spécialisés pour la destruction de cibles de surface, permettant au submersible de mener des frappes de saturation visant à dépasser les capacités de défense anti-missile de la cible visée.

Les SNA classe Virginia de l’US Navy disposent de 12 VLS pour mettre en œuvre des missiles de croisière de type Tomahawk.

Le pump-jet est également une technologie mise en œuvre sur les modèles de sous-marins modernes en occident. Il s’agit d’une hélice propulsive entièrement carénée, permettant de considérablement diminuer les bruits générés par la cavitation de l’hélice à grande vitesse. En effet, lorsqu’une hélice tourne rapidement sous l’eau, elle crée une dépression localisée sur l’extrados de l’hélice, entrainant la vaporisation immédiate de l’air dissout.

Ces bulles, également appelées cavitation, génèrent une signature acoustique importante facilitant la localisation du submersible à l’aide de sonar passif. Pour contrer la cavitation, plusieurs techniques ont jusqu’ici été employées.

La première, et la plus évidente, consistait à tenter d’améliorer la forme de l’hélice pour obtenir un meilleur rendement avec une vitesse de rotation plus faible, permettant au sous-marin, mais également aux frégates et corvettes spécialisées dans la lutte anti-sous-marine (ASM), d’évoluer plus rapidement sans générer ce phénomène.

C’est la raison pour laquelle, par exemple, les FREMM françaises de la classe Aquitaine utilisent une hélice à pas fixe, optimisée pour la mission ASM, et non une hélice à pas variable comme les FREMM italiennes, optimisée pour la vitesse.

La seconde solution est purement physique, et consiste à faire évoluer le sous-marin à grande profondeur. En effet, plus le sous-marin évolue bas, plus la pression de l’eau est grande, et moins la dépression générée par les hélices sont susceptibles de générer des phénomènes de cavitation.

Malheureusement, si lors d’un transit, un sous-marin nucléaire peut effectivement évoluer à grande profondeur et à grande vitesse, l’essentiel de son activité opérationnelle se situe plus près de la surface, notamment pour pouvoir détecter les navires et submersibles adverses évoluant en surface ou au-dessus de la thermocline.

C’est là que le Pump-jet apporte une grande plus-value. En carénant l’hélice, ce système permet de modifier les flux d’eau et la pression dynamique en son sein comme si le sous-marin évoluait à plus grande profondeur, de sorte à ralentir l’apparition des phénomènes de cavitation, mais également de contenir la propagation sonore lorsque celle-ci intervient, offrant une signature acoustique bien plus discrète au sous-marin.

Le chantier naval de Huludao dans la province de Liaoning a été modernisé et étendu ces dernières années pour accroitre et moderniser les capacités de production de sous-marins chinois

Au-delà de ce cliché déjà fort intéressant, la couverture photographique diffusée par Planet Lab permet également d’observer la nouvelle infrastructure industrielle construite à Huludao ces dernières années, précisément pour concevoir et construire les nouveaux sous-marins à propulsion nucléaire de la Marine de l’Armée Populaire de Libération.

Ces nouveaux bâtiments, aisément identifiables sur les clichés, laissent en effet supposer que Pékin dispose désormais d’une capacité de production largement accrue dans ce domaine, et comparable à celle dont disposent les États-Unis dans ce domaine.

De fait, il faut s’attendre à ce que dans les années à venir, le nombre de sous-marins à propulsion nucléaire évoluant sous drapeau chinois va rapidement croitre, comme c’est aujourd’hui le cas avec les frégates et destroyers.

Et si les performances des nouveaux SNA et SNLE chinois continuent d’évoluer, comme ce cliché le laisse supposer, il est probable que sous peu, Pékin disposera effectivement d’une flotte sous-marine à parité avec l’US Navy.

Publié le 31 juillet 2023 (mais article original du 17 mai 2022 en version intégrale jusqu’au 3 août 2023)

https://meta-defense.fr/2023/07/31/sous-marin-nucleaire-dattaque-chine/