Après avoir dévasté les îles de Saint-Martin et Saint-Barthélemy, inondé la République Dominicaine, l’ouragan Irma s’approche des États-Unis. Rétrogradé en catégorie 4, il devrait toucher dès ce week-end la Floride. Deux centrales nucléaires se trouvent près des côtes. Elles vont être mises à l’arrêt. Qu’est-ce que cela signifie ?
« C’est un ouragan extrêmement dangereux », a indiqué Rob Gould, chargé de la communication de la compagnie Florida Power and Light (FPL), qui gère les centrales de Turkey Point et Ste Lucie, en Floride. Ces deux centrales sont piles dans la trajectoire que suit pour le moment l’ouragan Irma, particulièrement dévastateur jusqu’à maintenant. Par précaution, elles vont être mises à l’arrêt.
Un long procédé ? Normalement non, indique en France, EDF. Comme il s’agit de centrales équipées de réacteurs à eau pressurisée (REP), cela peut se faire très vite, « en moins de deux secondes ». Car, en réalité, à aucun moment le réacteur ne va être arrêté totalement.
Mode « îloté »
Turkey Point et Ste Lucie vont fonctionner en mode « îloté » c’est-à-dire en mode isolé afin de se mettre en sécurité. La quantité et la puissance d’électricité produite vont seulement être diminuées pour ne servir qu’à faire fonctionner les centrales (autrement dit alimenter les pompes qui servent à refroidir le réacteur), et non plus à envoyer de l’électricité vers l’extérieur.
Surtout que les lignes à haute tension qui partent des centrales vont être balayées par des vents pouvant souffler entre 211 à 251 km/h (correspondant à la catégorie 4 de l’échelle de Saffir-Simpson, l’outil de classification de l’intensité des cyclones), et pourront être endommagées.
Le procédé n’a rien d’exceptionnel, il a lieu régulièrement en France. Certaines centrales nucléaires fonctionnent ainsi durant les week-ends et notamment lorsqu’il faut changer le combustible du réacteur.
La mise à l’arrêt de Turkey Point interviendra vendredi, dans la nuit. Ste Lucie devrait subir le même sort douze heures après, si l’ouragan Irma n’a pas changé de direction. Les centrales ne devraient pas être totalement désertées malgré cette mise à l’arrêt. Il restera toujours des salariés dans des unités bunkerisées.
Les deux centrales sont les deux seules à être exploitées dans l’État de Floride. Elles fournissent de l’électricité à près de 2 millions de foyers. Les deux sites font partie des plus solides du pays, « voire du monde », assure le responsable de la communication interrogé par le quotidien américain The Miami Herald. Mais même les meilleures des installations ne sont pas complètement à l’épreuve des ouragans, ajoute la compagnie FPL qui prévoit déjà d’importantes coupures de courant pour ses clients.
Andrew, Frances, Wilma…
Irma n’est pas le premier cyclone qu’affrontent ces centrales nucléaires situées au bord de l’océan, à des endroits peu protégés des vents. Turkey Point, au sud de Miami, a résisté à l’ouragan Andrew, en 1992.
Si aucun accident n’avait été à déplorer, les dégâts avaient été importants. Une route d’accès avait été bloquée par les débris et certaines installations n’avaient pas tenu face à la puissance des vents. Une cheminée de 120 mètres s’était fendue en deux, la centrale avait dû utiliser des générateurs de secours pour refroidir les réacteurs et éviter l’accident nucléaire. Les travaux pour la remettre en état avaient duré six mois et se chiffraient à 90 millions de dollars. Ste Lucie, elle, a tenu bon face aux ouragans Frances et Jeanne en 2005 et face à Wilma en 2006.
Les deux centrales nucléaires sont conçues pour résister à des vents très forts et à des ouragans. Les réacteurs de Turkey Point sont enfermés dans une enceinte de confinement contenue dans un bâtiment « en béton armé de 1,80 m d’épaisseur et située à 6 m au-dessus de la mer », précise Rob Gould. Après le passage d’Andrew et l’accident de Fukushima en 2011, la sécurité des installations a encore été renforcée. L’entreprise FPL a investi 3 milliards de dollars depuis les ouragans de 2005.
Face à Irma, Turkey Point dispose de générateurs de secours, de diesel pour les faire fonctionner et de pièces de rechange prêtes à être acheminées depuis le Tennessee en cas de besoin.
« Mais cet ouragan pourrait surpasser Andrew », prévient Rob Gould. Le risque d’inondation est en effet beaucoup plus important avec Irma. En 1992, le niveau de l’eau s’était élevé de 8,3 cm le long des côtes de Floride. Cette fois-ci, le Centre national des ouragans (Hurricane National Center), indique qu’il pourrait monter entre 3 et 4,5 m.
En France, depuis la catastrophe nucléaire de Fukushima, la sécurité des centrales nucléaires est en train d’être renforcée. « On a imaginé l’inimaginable », assure EDF. En cas de graves incidents, une Force d’action rapide nucléaire (Farn), peut intervenir en moins de 24 heures. Hélicoptères, barges, moyens de franchissement, 4×4 et camions pour déblayer les débris peuvent être mobilisés pour tous les sites nucléaires français. De gros groupes électrogènes, des pompes, des compresseurs peuvent prendre le relais pour amener continuellement de l’électricité, de l’eau et de l’air afin de refroidir les réacteurs.
http://www.ouest-france.fr/leditiondusoir/data/7782/reader/reader.html#!preferred/1/package/7782/pub/10729/page/5
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