LE NUCLÉAIRE ET LES CENTRALES THERMIQUES SONT-ILS LES SEULES SOLUTIONS POUR ÉVITER LES COUPURES D’ÉLECTRICITÉ?

Le CCE d’EDF se montre inquiet pour la sécurité de l’alimentation électrique en France. Il préconise de développer le nucléaire et les centrales thermiques. Plusieurs experts estiment qu’une transition énergétique est tout à fait possible sans coupure de courant.

« Des coupures d’électricité vont certainement se produire cet hiver ». Ce scénario inquiétant émane de Virginie Neumayer, membre du comité central d’entreprise (CCE) d’EDF. À l’occasion d’une conférence ce mercredi, l’instance représentative du personnel a estimé qu’une vague de froid dans les prochains mois pourrait faire exploser la demande d’électricité, sans que l’offre ne soit capable de suivre.

Au vu de ce risque, le CCE d’EDF estime qu’il faut « engager sans tarder la construction de nouveaux moyens de production thermiques (centrale à gaz, biomasse), nucléaires et hydrauliques ». Autrement dit, miser sur presque tout, sauf sur les énergies renouvelables (hors hydraulique). « Pour assurer l’équilibre entre offre et demande d’électricité, il faut des moyens de production pilotables [qui peuvent être rapidement ajustés à la hausse ou à la baisse] » argumente Jean-Luc Magnaval, le secrétaire général du CCE.

Ce discours tranche fortement avec la position de Nicolas Hulot. Mardi, le ministre de la Transition écologique s’est montré très clair dans le Financial Times : « Demain la norme ne doit plus être l’énergie nucléaire mais les énergies renouvelables. C’est un bouleversement complet de notre modèle » a-t-il expliqué.

« Le grain de sable, c’est l’indisponibilité du nucléaire »

Une montée en puissance des énergies « vertes » (éolien, solaire, etc) serait-elle dangereuse pour la sécurité d’approvisionnement électrique du pays ? L’idée est dénoncée par Yves Marignac, porte-parole de l’association négaWatt, qui milite pour une transition énergétique.

« Actuellement, 20 réacteurs d’EDF [sur 58] sont à l’arrêt, en partie pour des problèmes de non-conformité et de sûreté, rappelle l’expert. C’est l’incapacité du nucléaire à répondre à ce qu’on devrait en attendre qui créé les difficultés d’approvisionnement. Tout le reste a été prévu. Le grain de sable, ce n’est pas la montée du renouvelable, c’est l’indisponibilité du nucléaire. »

Le scénario « Ampère »

À l’appui de sa démonstration, Yves Marignac rappelle le récent rapport publié par RTE. Le gestionnaire du réseau électrique français y liste plusieurs scénarios pour la transition énergétique. L’un d’entre eux, baptisé « Ampère », montre qu’il est possible de fermer 16 réacteurs d’ici 2030, sans crainte de coupure de courant, et sans construire des centrales thermiques.

Néanmoins, souligne RTE, ce scénario « nécessite d’accroître la capacité d’interconnexions [branchements électriques avec les autres pays], de développer le potentiel d’effacements [coupures d’électricité dans des entreprises volontaires] ou de modérer la consommation électrique ».

« Monoculture du nucléaire »

Malgré ce scénario en faveur des énergies renouvelables, l’attitude plutôt pro-nucléaire du CCE d’EDF ne surprend pas Gérard Magnin. Cet ancien membre du conseil d’administration d’EDF a démissionné avec fracas en juillet 2016, au moment où l’entreprise  validait le projet nucléaire très contesté d’Hinkley Point au Royaume-Uni.

« Il y a une idéologie extrêmement ancrée à EDF, et c’est très difficile d’argumenter parce que c’est une croyance. Le conseil d’administration d’EDF est ultra-imprégné de cette monoculture du nucléaire » déplore l’ex-représentant de l’État, pour qui « ce n’est en prolongeant ce système qu’on va trouver une solution ».

Article de Nicolas Raffin

Pour visualiser le tableau des scénarios de transition énergétiques imaginés par RTE, dont le scénario Ampère, cliquer sur :

http://www.20minutes.fr/economie/2169675-20171115-nucleaire-centrales-thermiques-seules-solutions-eviter-coupures-electricite