Une nouvelle prolongation, après celle obtenue de justesse par EDF de 2017 à 2020, semble impossible à justifier : il faut reprendre toute la procédure à zéro ou, mieux, décider enfin d’abandonner l’EPR de Flamanville.
En avril 2007, en accordant 10 ans à EDF pour construire l’EPR et le charger en combustible, le premier ministre Villepin pensait assurément avoir fait preuve de la plus grande prudence sachant qu’EDF prétendait construire le réacteur en seulement 4 ans et demi.
Or, de malfaçons et défectuosités, de fautes mineures en graves erreurs, le chantier a dépassé la date limite du 10 avril 2017. En catastrophe, et en faisant preuve de la plus grande complaisance pour EDF, le premier ministre Bernard Cazeneuve a publié le 24 mars 2017 un décret rectificatif se contentant de préciser qu’ « Au II de l’article 3 du décret du 10 avril 2007 susvisé, le mot : « dix » est remplacé par le mot : « treize ». »
Un simple changement de mot pour accorder 3 ans de plus sans l’ombre d’une évaluation de la situation qui, pourtant, a considérablement évolué depuis 2007 : cuve de l’EPR défectueuse, catastrophe de Fukushima, forte augmentation du prix de l’électricité nucléaire, effondrement du coût des énergies renouvelables, situation financière d’EDF, etc.
Saisi par l’Observatoire du nucléaire et d’autres associations, le Conseil d’État a finalement consenti à valider en avril 2019 la prolongation de 3 ans de l’autorisation de création. Mais ce tour de passe-passe, déjà difficilement justifiable, semble improbable à rééditer, sauf si le Conseil d’État souhaite totalement se ridiculiser.
Après une nouvelle grave malfaçon (d’importantes soudures mal réalisées), l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN), elle-même gravement ridiculisée par sa décision de validation de la cuve défectueuse de l’EPR, n’a pas eu d’autre choix que d’exiger la réparation de ces soudures, opération très complexe susceptible d’endommager le réacteur.
Persistant dans le déni de son incompétence, la direction d’EDF annonce simplement ce jour que la mise en service du réacteur aura lieu cette fois en 2023, tablant probablement sur un nouveau décret de convenance se contentant de remplacer le mot « treize » par « seize », ou « dix-sept », et pourquoi pas « vingt » ou même « trente » pour plus de précautions ?!
En réalité, il est encore plus injustifiable aujourd’hui qu’en 2017 de récompenser l’incompétence de l’industrie nucléaire en accordant à EDF la prolongation exigée : la situation de l’EPR dans le contexte énergétique et industriel a encore évolué. Plus que jamais, la conception de l’EPR, datant du début des années 90, en fait un dinosaure sans même qu’il ne soit terminé.
Il va désormais être intéressant de voir si l’ASN, le gouvernement et le conseil d’État vont continuer à se ridiculiser ou si l’une au moins de ces institutions va finir par prendre ses responsabilités et mettre fin à la fuite en avant d’EDF.
La moindre des choses serait d’imposer à EDF de refaire totalement la procédure de création (ce qui prendrait à nouveau des années), en tenant compte de l’importante évolution de la situation depuis 2007. Mais le plus raisonnable est de mettre enfin un terme à l’aventure de l’EPR de Flamanville.
Certes, il est déplorable que près de 12 milliards d’euros soient gaspillés en vain dans ce chantier, mais il est clair que cet argent sera tout aussi gaspillé si l’EPR est un jour mis en service, avec de graves conséquences possibles et probables : accident nucléaire, désastre financier, production de déchets radioactifs, réacteur irradié à démanteler (il est immensément moins problématique et cher de démanteler un réacteur qui n’a pas été mis en service). (NDLR : comme en Autriche, on pourrait en faire un musée, il serait enfin rentable !). Affaire à suivre…
Communiqué publié le 20 juin 2019 par l’Observatoire du Nucléaire
http://www.observatoire-du-nucleaire.org/spip.php?rubrique3
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