La cour d’appel de Metz a condamné mercredi l’ONG à plus de 300 000 euros d’amende au titre du préjudice matériel après l’entrée d’activistes sur le site de Cattenom, en Moselle.
Cent quatre-vingts jours-amende s’échelonnant de quatre à onze euros, soit de 720 euros à 1 980 euros au total pour chacun. Ce sont les peines auxquelles la cour d’appel de Metz a condamné huit militants de Greenpeace, mercredi 15 janvier, pour s’être introduits, en octobre 2017, dans la centrale nucléaire de Cattenom, en Moselle, afin, disent-ils, d’en « dénoncer les failles de sécurité ».
Ce jugement infirme celui du tribunal correctionnel de Thionville qui, en première instance, avait prononcé contre ces activistes des peines de prison ferme et avec sursis : une première. Il est également plus léger que les réquisitions prononcées lors de l’audience d’appel par l’avocat général, Julien Le Gallo, le 30 octobre 2019.
Qualifiant les peines d’emprisonnement de « contre-productives », le magistrat avait réclamé trois cents jours-amende à trois euros contre deux des prévenus – déjà condamnés pour s’être introduits dans un site nucléaire –, et cent cinquante jours-amende à trois euros à l’encontre des six autres prévenus et de Yannick Rousselet, directeur de campagne de Greenpeace France pour le nucléaire, soupçonné de complicité.
Reconnu coupable par la cour, M. Rousselet a, en revanche, vu sa peine alourdie puisqu’elle se monte à deux cent soixante-dix jours – amende à dix euros, soit un total de 2 700 euros. Dans un communiqué, Greenpeace France s’est ému de cette sanction « personnelle » à l’égard d’un de ses salariés et a dénoncé « un dossier vide à son encontre » et une « atteinte grave » à sa « liberté d’expression ».
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Le caractère incitatif de l’infraction
Poursuivie en tant que personne morale et représentée par son directeur général, Jean-François Julliard, l’ONG a, elle, été durement frappée au porte-monnaie. Solidairement avec les huit militants et M. Rousselet, elle a été condamnée à verser à EDF la somme de 211 806 euros au titre du préjudice matériel et économique, et celle de 50 000 euros en réparation du préjudice moral. Elle doit, en outre, acquitter une peine d’amende de 25 000 euros, soit 5 000 euros de plus que les réquisitions.
Dans son arrêt, la cour écarte « l’état de nécessité pour risque industriel » soulevé par l’avocate de l’ONG, Me Marie Dosé. Celle-ci avait plaidé la relaxe, soutenant le caractère nécessaire de l’action de désobéissance civile menée à Cattenom.
Selon le document que Le Monde a pu consulter, les juges réfutent le caractère « imminent » du danger au nom duquel les militants ont expliqué agir. Ils soulignent aussi « la gravité » des faits, justifiant « une sévérité à l’égard de Greenpeace France déjà condamné à trois reprises pour des faits similaires ».
Ils insistent enfin sur le caractère potentiellement incitatif de l’infraction. « Ce type d’actions répétées peut ouvrir la porte à des actions efficaces menées par de personnes malveillantes n’appartenant pas à Greenpeace mais revêtues de son logo et qui pourraient tromper la vigilance des forces armées protégeant le site », détaillent-ils.
Une décision saluée par EDF
« Cette décision reconnaît implicitement le bien-fondé de nos motivations et la réalité du danger nucléaire, a positivé Jean-François Julliard dans le communiqué de Greenpeace France. En écartant les peines d’emprisonnement, les juges montrent qu’ils ont été sensibles à nos arguments et à la vague de soutien qui a accompagné ce procès. Nous regrettons néanmoins que nos militant·e·s, qui ont agi dans l’intérêt général pour dénoncer les risques liés aux défaillances des centrales nucléaires françaises, n’aient pas été purement et simplement relaxés. »
Pour son client, EDF, Me Thibault de Montbrial, s’est « réjoui que la cour d’appel ait confirmé le sens du jugement du tribunal correctionnel de Thionville et qu’elle ait apprécié, à sa juste valeur et dans le détail, le préjudice moral et économique causé à EDF par cette infraction ».
Saluant dans la décision de la Cour d’appel une « avancée significative vers une reconnaissance à moyen terme de l’état de nécessité dont doivent pouvoir bénéficier les activistes », Me Marie Dosé s’est étonnée que « les magistrats du second degré insinuent, en déclarant Greenpeace coupable de provocation à l’infraction, que les militants et activistes seraient finalement instrumentalisés et mis en danger par l’association. »
Selon l’avocate, qui a fait part de l’intention de ses clients de former un pourvoi en cassation, « la mise en danger est du côté d’EDF, pas de Greenpeace ».
Par Patricia Jolly, publié le 15 janvier 2020 à 20h59, mis à jour le 16 janvier à 08h50
Photo en titre : Le responsable de Gree,npeace France antinucléaire Yannick Rousselet, son directeur général, Jean-François Julliard, l’avocate Marie Dosé et un militant de l’ONG, le 30 octobre 2019, au tribunal de Metz. JEAN-CHRISTOPHE VERHAEGEN / AFP
https://www.lemonde.fr/planete/article/2020/01/15/intrusion-dans-une-centrale-nucleaire-des-peines-allegees-pour-les-militants-mais-alourdies-pour-greenpeace_6026012_3244.html
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