VRAI/FAUX : LA VÉRITÉ SUR LES CLICHÉS QUI COLLENT AUX ÉOLIENNES

La montée en puissance des énergies renouvelables bouscule les habitudes, modifie les paysages. Des vents contraires soufflent notamment sur l’éolien terrestre. Ils charrient aussi des fausses rumeurs sur cette énergie, qui s’avère pourtant la plus vertueuse en matière de respect de l’environnement. Le point.

Les éoliennes terrestres massacreraient les oiseaux, rendraient les riverains malades, pour une production d’électrique décriée comme négligeable… Ce type de production d’énergie fait l’objet de fausses rumeurs, alors que leur développement est inscrit dans la nouvelle version de la Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE). Le point avec un vrai-faux.

Les Français détestent les éoliennes

FAUX. Si l’on se réfère à la plus grande enquête sur le sujet, réalisée par l’institution de sondage indépendant Harris Interactive, en 2018. Principale conclusion : 73 % des Français indiquent avoir une bonne image de l’éolien, c’est même 84 % auprès des 18-34 ans, 78 % auprès des 35-49 ans. Cette image est par ailleurs encore meilleure auprès des riverains de parcs éoliens (80 %). D’autres pays sondés en Europe affichent quasiment les mêmes résultats.

Comment expliquer  l’inacceptabilité  qui monte ?  Une minorité est influencée par le lobby anti-éolien et ses fausses rumeurs comme le bruit ou la non-rentabilité de cette énergie, analyse le polytechnicien Bernard Deboyser, spécialiste de l’éolien, à l’université de Mons, en Belgique. Cette opposition par tous les moyens à un projet donne aux élus et aux médias l’idée fausse qu’une majorité de gens sont contre, alors que ce n’est pas le cas du tout. 

La France est saturée d’éoliennes

VRAI et FAUX. Avec moins de 9 000 mâts plantés sur l’Hexagone, la France est loin derrière l’Allemagne et ses 26 000 machines, alors que son territoire est plus petit. Mais l’éolien est cependant  mal  réparti. Les Hauts-de-France en comptent 2 406, une concentration qui s’explique par son exposition aux vents. Un sentiment d’encerclement par les parcs peut être ressenti. En Nouvelle-Aquitaine, des présidents de quatre départements (Charente, Charente-Maritime, Vienne et Deux-Sèvres) réclament aussi une meilleure répartition des projets dans leur région. L’éolien off-shore, avec des machines implantées en mer, est sans doute à privilégier.

Visite du parc éolien de Radenac dans le Morbihan. Opération de contrôle des installations. | OUEST-FRANCE

L’énergie éolienne n’est pas fiable

FAUX. Comme le solaire, l’éolien est une énergie intermittente, c’est-à-dire que sa production est variable et dépend des conditions météorologiques. Selon l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe), les éoliennes fonctionnent aujourd’hui entre 75 % et 95 % du temps et les nouveaux modèles ne cessent d’améliorer cette production, aidée par les prévisions de vent de Météo France.

Pour réguler cette variabilité, il existe différentes solutions de stockage. Par batteries électriques (celles des voitures est un moyen), via l’hydrogène ou les stations de pompage-turbinage des barrages hydrauliques (dites Step). La France est bien pourvue de ce côté-là.  La France a aussi la chance d’avoir des réseaux très performants, comme RTE, qui savent parfaitement gérer cette variabilité, indique Mylène Roussel, chargée des groupes régionaux à France Énergie Éolienne. Il est évident que seul, l’éolien ne se substituera pas aux énergies conventionnelles (charbon et nucléaire), mais couplé aux autres sources d’énergies renouvelables, l’éolien prend tout son sens. 

Toutes les études scientifiques sérieuses montrent que 100 % d’électricité issue des renouvelables est faisable. C’est moins facile, il faut davantage de câbles souterrains, mais cela fonctionne.

L’éolien est coûteux

FAUX. L’État a dépensé pour soutenir cette filière avec des compléments de rémunération pour les acteurs. Le rapport demandé par le Sénat à la Cour des comptes, de mars 2018, sur le soutien public aux énergies renouvelables est souvent cité, notamment les 5,3 milliards d’euros pour l’année 2016. Mais cette somme couvre tout le renouvelable et s’inscrit dans le cadre des objectifs européens pour développer les énergies propres et renouvelables.

La filière est désormais mature et coûtera moins au contribuable. Le coût des parcs éoliens actuellement construits varie entre 26 et 51 €/MWh, en Europe, selon leur lieu d’implantation. C’est nettement plus compétitif que les nouveaux projets nucléaires de type EPR, comme Hinkley Point, en Angleterre, dont la fourchette varie entre 102 et 172 €/MWh.

Par ailleurs, les parcs éoliens rapportent sur les territoires où ils sont implantés. La région Auvergne Rhône-Alpes qui veut passer de 553 MW de production éolienne à 2 500 MW à la fin 2030, a calculé que cela générerait 1 600 emplois, 75 millions d’euros de retombées fiscales et 190 millions de richesses sur son territoire.

En Bretagne, EDF lance son offre d’électricité verte régionalisée. Ici, le parc éolien de Caurel, dans les Côtes-d’Armor. | OUEST-FRANCE

Les éoliennes massacrent les oiseaux et les chauves-souris

FAUX. La Ligue pour la protection des oiseaux (LPO) a collecté les données pour 1 065 éoliennes. La moyenne de la mortalité oscille entre six et sept cas par an par éolienne. Un chiffre à mettre en perspective. Rien qu’aux États-Unis, la mortalité des oiseaux due aux lignes électriques à haute tension est d’environ 150 millions de bêtes par an.

Les fabricants d’éoliennes développent ces dernières années des petits modules de détection pour éviter les collisions. Ils s’appellent Chirotech, pour les chauves-souris et DT Bird pour les oiseaux. Le groupe français Engie travaille ainsi avec le concepteur Biotope et programme « Éolien et Biodiversité » coordonné au niveau national par la LPO.

Chaque projet éolien nécessite une étude d’impact sur les oiseaux, la biodiversité. Aucun permis ne devrait être accordé proche des zones de protections spéciales, comme Natura 2000.

Les éoliennes sont bruyantes

FAUX. Selon l’Ademe, les éoliennes émettent un bruit de fond, principalement des basses fréquences entre 20 Hz et 100 Hz. À 500 mètres de distance, le minimum légal entre une éolienne et habitation, le bruit est généralement inférieur à 35 décibels : c’est moins qu’une conversation à voix basse. Les vieux parcs peuvent être un peu plus bruyants. Les riverains peuvent réclamer à l’exploitant la dernière technologie réductrice de bruit : des sortes de peignes en fibre de verre, inspirés des ailes des discrets rapaces. Le groupe Engie en a installé dès 2016, en Belgique.

Les éoliennes sont polluantes

FAUX. Cette énergie est la plus vertueuse pour la santé des écosystèmes et présente le meilleur bilan carbone de toutes les énergies. Selon le groupe d’experts du climat des Nations Unies (Giec), l’éolien terrestre affiche le plus bas taux d’émission en gramme de CO2 par kilowattheure (CO2 eq/kWh) : 11 g en moyenne, contre 12 g pour le nucléaire. Une éolienne n’en émet qu’au moment de sa construction.

Une éolienne n’a pas besoin d’eau pour être refroidie, ne craint pas les inondations et l’on peut cueillir des champignons au pied du mât.

Éoliennes et humains ne cohabitent pas toujours tranquillement, mais la plupart du temps, oui. | MAXPPP

Les éoliennes dépendent des « terres rares » chinoises ?

FAUX. Cette famille de métaux n’est non seulement pas rare, mais très bien répartie sur les cinq continents. Seulement, l’industrie se repose actuellement sur l’exploitation chinoise. Mais cela change et de nouvelles mines ouvrent, en Europe notamment.

Par ailleurs, seules 10 % des éoliennes contiennent du néodyme pour la fabrication des aimants utilisés dans certains modèles de génératrices, selon le Syndicat des énergies renouvelables. Les trois plus grands constructeurs de turbine – Enercon, Senvion ou Nordex – n’utilisent aucune « terre rare ». Elles sont remplacées par de la ferrite ou d’autres matériaux supraconducteurs.

L’éolienne a une durée de vie très courte

ÇA DÉPEND. La première grande éolienne « moderne » construite en 1975, à Ulfborg, au Danemark, tourne toujours. Comme toutes les machines, certaines pièces s’usent et les propriétaires veulent des modèles plus puissants. Elles sont parfois remplacées au bout de vingt-cinq ans, mais peuvent « vivre » très longtemps. La moyenne est de vingt à trente ans, en Europe.

Les éoliennes engendrent des maladies

FAUX. Le consensus scientifique – vingt-cinq études mondiales compilées – s’accorde pour dire que les niveaux d’infrasons des éoliennes sont inoffensifs pour la santé humaine. La vaste enquête canadienne Community Noise and Health Survey (2013) est la plus citée. C’est la seule étude à grande échelle qui tient compte de faits subjectifs – des symptômes autodéclarés – et objectifs – mesure du taux de cortisol (hormone du stress), pression artérielle, fréquence cardiaque… – sur la santé de riverains d’éoliennes.

Elle révèle que le bruit et la proximité des machines n’ont pas d’incidences  manifestes  sur la santé, à l’exception de la gêne ressentie. Sans autre raison qu’un a priori négatif sur la présence d’éolienne, des riverains développeraient des nausées. Une sorte d’effet  nocebo , le contraire du placebo.

Des fabricants travaillent cependant sur les rares cas de nausées signalés.  Ils se manifestent surtout sur un sol granitique, constate Jean-Yves Grandidier, patron du groupe français Valorem.

Enfin, il y a le cas d’une ferme française, à Puceul (Loire-Atlantique), où une baisse de lait et une surmortalité du bétail sont constatées, à proximité d’éoliennes. Les expertises se succèdent sans rien trouver, pour l’instant. Ce cas, unique au monde selon la chaîne britannique BBC, est sous la surveillance de l’Agence nationale de sécurité sanitaire et de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses).

Les éoliennes ne se recyclent pas

FAUX. 95 % des composants d’une éolienne se recyclent selon les professionnels de la filière, 90 % selon l’Ademe. Les parties métalliques comme le mât ont une valeur marchande non négligeable et le béton des fondations est valorisé comme granulat dans la construction. Les matériaux composites des pâles (fibre de verre, carbone), qui jusqu’ici posaient problème ont déjà trouvé une nouvelle vie aux États-Unis ou aux Pays-Bas. Ils sont rebroyés et deviennent du mobilier urbain, des skateboards…

Ce recyclage sera rendu obligatoire d’ici à 2023, en France. Cette perspective doit accélérer la création d’une filière française pour le démantèlement des éoliennes en fin de vie. Précision : la réglementation prévoit déjà une provision de 50 000 € par éolienne pour le démantèlement.

Par Christelle GUIBERT, publié le 09/02/2020 à 09h01

Photo en titre : Le parc éolien de Béganne, dans le Morbihan. | THOMAS BRÉGARDIS, OUEST-FRANCE

Pour écouter cette vidéo (4mn21s) cliquer sur : https://www.ouest-france.fr/environnement/climat/vrai-faux-la-verite-sur-les-cliches-qui-collent-aux-eoliennes-6728319

NDLR : l’énergie éolienne fait partie des solutions qui permettraient de sortir rapidement du nucléaire. Lutter contre des éoliennes convenablement implantées, c’est voter pour le maintien et le développement du nucléaire.