UNE NÉGOCIATION ENTRE EDF ET TOTAL SUR L’ÉLECTRICITÉ NUCLÉAIRE AU TARIF ARENH EST-ELLE ENCORE POSSIBLE ?

À l’issue de deux audiences en référé sur un conflit sur une clause de force majeure sur les contrats Arenh entre Total Direct Energie, Gazel Energy et EDF, le président du tribunal de commerce de Paris a invité les parties à négocier, en attente de son jugement. Est-ce vraiment possible ?

 Compliqué de faire jouer les clauses de force majeure dans les contrats commerciaux en cette période atypique de crise sanitaire. Voire impossible. Total en sait quelque chose. En février 2020, le pétrolier rejetait la demande de force majeure d’un client chinois de gaz naturel liquéfié (GNL) qui invoquait l’épidémie de coronavirus pour ne pas être livré. Mais en avril de la même année, et pour la même raison, il cherche à faire jouer une clause du même type dans un contrat d’achat d’électricité nucléaire historique au tarif Arenh le liant à EDF.

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EDF ne voulant rien entendre, Total Direct Energie a porté l’affaire devant le tribunal de commerce de Paris. Un autre fournisseur alternatif acheteur d’Arenh, Gazel Energie (ex Uniper) a fait de même. Une double audience en référé s’est tenue le 6 mai 2020. Selon une source proche du dossier, en clôture, le président du tribunal aurait invité les parties à négocier et à trouver « une entente amiable » avant qu’il n’ait à rendre un jugement le 20 mai.

Simple retournement de marché ?

Une telle négociation est-elle possible ? À écouter le lendemain les déclarations du PDG d’EDF, Jean-Bernard Levy, on en doute. Après avoir qualifié au micro de RTL de « baroques » les demandes des fournisseurs alternatifs, il a rappelé sa vision de l’affaire lors de l’assemblée générale du groupe deux heures plus tard. « Après avoir demandé tout au long de l’année dernière une augmentation du volume d’électricité disponible au titre de l’Arenh, voici que les fournisseurs alternatifs considèrent aujourd’hui qu’ils ont trop d’électricité, tout simplement parce que le marché s’est retourné. Et ils osent nous demander de compenser cette nouvelle situation », s’est étonné Jean-Bernard Levy.

Il avait juste avant reconnu néanmoins que « les mécanismes de l’Arenh [qui obligent EDF à vendre au prix fixe de 42 euros le mégawattheure jusqu’à 100 térawatts de sa production électrique nucléaire historique, ndlr] sont dépassés et injustes », et que le système est « à bout de souffle ».

Ou situation de force majeure ?

Mais s’agit-il juste d’un retournement de marché, comme le dit Jean-Bernard Levy ou d’un cas de force majeure comme le clament les fournisseurs alternatifs ? Pour la ministre de la Transition écologique, Élisabeth Borne, faire jouer cette clause de force majeure « reviendrait finalement à faire peser sur EDF la totalité des risques. Il y a un problème de principe ».

Les fournisseurs alternatifs expliquent eux qu’il ne s’agit pas juste de se retrouver avec 15 à 20 % d’électricité non consommée sur les bras à revendre à 16 euros du mégawattheures sur les marchés, mais de se trouver face à de gros clients industriels, comme l’aéroport d’Orly, fermé à cause de la crise sanitaire, qui ne consommerait quasiment plus rien. Ils demandent dont une mesure « provisoire et proportionnée« , pour réduire les volumes le temps de la crise. Mais si on en connait la date de début, les contours de sa sortie sont encore très flous. Et les besoins de gros clients de ces fournisseurs alternatifs, comme la RATP, devraient remonter à partir du 11 mai. Une négociation serait néanmoins engagée.

Par Aurélie Barbaux , publié le 07/05/2020 à 15H55

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