Le pays doit relancer ses centrales nucléaires et prolonger leur durée de vie. Mais cela ne suffira sans doute pas.
Lors du dernier sommet virtuel sur le climat organisé par Joe Biden le 22 avril, les dirigeant·es du monde entier ont redoublé de zèle dans leurs engagements de réduction des gaz à effet de serre.
Le Japon n’a pas fait exception, mettant en avant un objectif de 46% de réduction d’ici à 2030 par rapport au niveau de 2013. Bien accueillie par la communauté internationale, l’annonce a pourtant suscité la «panique» et la consternation dans le pays, raconte le Financial Times.
Prise sans consultation préalable d’expert, sans débat politique et sans analyse montrant que cela soit possible, il semble qu’elle ait été totalement improvisée.
Les experts se grattent à présent la tête pour savoir comment ces objectifs vont concrètement pouvoir être réalisés. Le Premier ministre Yoshihide Suga a certes fait de la «croissance verte» l’un des piliers de sa politique à son arrivée au pouvoir en septembre 2020, mais la réduction annoncée constitue un pas considérable à franchir quand on sait que l’objectif précédent était de 26% de réduction.
La difficulté du Japon à réduire ses émissions de gaz à effet de serre est d’autant plus grande que le pays a dû fermer la plupart de ses réacteurs nucléaires à la suite de la catastrophe de Fukushima en 2011, qui a conduit à des importations massives de gaz et de charbon.
En 2017, le charbon fournissait ainsi 32,7% des besoins électriques du pays, contre 26% en 2011, rappelle une note de la Direction générale du Trésor française.
Relance nucléaire
Dans l’immédiat, l’urgence est donc au redémarrage des réacteurs nucléaires, qui n’émettent pas de gaz à effet de serre. Le 29 avril, le Japon a ainsi annoncé la remise en service de trois réacteurs âgés de plus de 40 ans, alors qu’il avait promis de fixer la limite de fonctionnement à cette durée de vie, relate le site Nikkei Asia.
La période a finalement été prolongée à 60 ans, histoire de rentrer dans les clous. Et le gouvernement est à présent prêt à subventionner la prolongation des vieux réacteurs à hauteur de 23 milliards de yens (174 millions d’euros) pour chaque réacteur de plus de 40 ans remis en service.
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Hélas, cela risque de ne pas suffire. «Même en remettant tous les réacteurs en marche, il sera impossible d’atteindre l’objectif fixé», prévient dans le Financial Times Taishi Sugiyama, directeur du think tank Canon Institute for Global Studies.
L’autre solution est de développer les énergies renouvelables, qui fournissent actuellement à peine 6% du mix énergétique japonais. Mais la géographie très montagneuse et le climat du pays rendent difficile le déploiement de panneaux solaires et d’éoliennes à grande échelle.
Quelle que soit la méthode utilisée, les promesses de Yoshihide Suga coûteront cher au Japon, avertit Taishi Sugiyama: «1% de réduction représente 1.000 milliards de yens par an (7,6 milliards d’euros)», calcule-t-il. (voir NDLR en fin d’article)
Les 20% additionnels annoncés aboutiront donc à 152 milliards d’euros de dépenses supplémentaires. Les industriels japonais sont déjà vent debout contre les promesses gouvernementales.
Repéré par Céline Deluzarche sur Financial Times, publié le 16/05/2021 à 9h04
https://korii.slate.fr/et-caetera/climat-energie-promesses-japon-co2-panique-experts-centrales-reacteurs-nucleaires
NDLR : tout est relatif si on compare avec le prix de l’accident nucléaire de Fukushima. Voir l’estimation faite en 2019 par le « Japan Center for Economic Research qui estime que la facture de l’accident pourra dépasser les 80 000 milliards de yens (640 milliards d’euros au cours actuel) ». Source : https://fukushima.eu.org/fukushima-en-forme-olympique-bilan-chiffre-pour-le-9ieme-anniversaire/ (paragraphe : « Coût de la catastrophe »).
Si 1% de réduction des GES coûte 7,6 milliards, 46 % ne coûteraient « que » 350 milliards d’Euros. En redéveloppant le nucléaire, le Japon prendrait (entre autres) un énorme risque financier.
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