LE SECRÉTAIRE GÉNÉRAL DU PCF FABIEN ROUSSEL : « JE SUIS FAVORABLE AU MAINTIEN DU NUCLÉAIRE EN FRANCE »

ENTRETIEN. Le secrétaire général du Parti communiste soutient l’énergie nucléaire, au risque de braquer les autres partis de gauche. Il s’en explique.

L’union de la gauche est grippée et ce n’est pas la dernière prise de position de Fabien Roussel qui va mettre de l’huile dans les rouages. Le secrétaire général du Parti communiste, candidat à l’élection présidentielle, a dit il y a quelques semaines son soutien à l’énergie nucléaire, souhaitant même un référendum sur le sujet. Certes, le PCF a toujours été favorable à l’atome, une filière où la CGT, proche des communistes, est fortement implantée. Mais Fabien Roussel prend de la distance avec cette filiation historique. Pour le patron du PCF, le nucléaire est surtout, avec l’hydraulique, le seul moyen de réduire drastiquement l’empreinte carbone du pays, tout en fournissant de l’électricité avec fiabilité. Et tant pis pour les écologistes et LFI qui, eux, ne pensent pas du tout la même chose…

Le Point : On connaissait l’attachement historique du PCF à la filière industrielle du nucléaire. Mais pourquoi prendre la parole pour le réaffirmer de façon aussi solennelle ?

Fabien Roussel : Il n’y a pas grand-chose à voir entre l’histoire du parti et ma position. L’important, à mes yeux, c’est l’urgence climatique dans laquelle nous nous trouvons. J’ai pris cette position pragmatique après de nombreuses discussions avec des chercheurs et des experts. Je me suis donné le temps avant d’avoir cette certitude. Mon objectif est le suivant : l’empreinte carbone de notre pays doit être nulle en 2050. Un autre objectif est lié au premier : pour y parvenir, il nous faut réduire le plus possible l’utilisation des énergies fossiles. Nous devons sortir de cette ère. La crise climatique, ce n’est pas demain, c’est aujourd’hui, nous en subissons déjà les conséquences. Il y a urgence.

Les énergies renouvelables, comme l’éolien et le solaire, ne peuvent-elles donc pas suffire, comme l’assurent les partis et associations écologistes ou encore LFI ?

Si, mais ce n’est qu’un levier. Il faut augmenter leur part dans le mix énergétique, en faisant attention : ces énergies doivent être vraiment renouvelables, c’est-à-dire disposer d’un bon bilan carbone, ce qui n’est pas toujours le cas. Elles sont par ailleurs gourmandes en minerais et terres rares. Le deuxième levier, c’est la production d’une énergie décarbonée et pilotable, donc disponible quand notre pays en a besoin pour répondre rapidement à une vague de froid ou de chaleur, par exemple. Je veux éviter le black-out afin de continuer à alimenter en énergie les Ehpad, les hôpitaux, mais aussi les usines. Cette énergie pilotable est constituée de deux moyens : l’hydraulique, avec les barrages construits depuis plus de quarante ans, et le nucléaire. C’est pour cette raison que je suis favorable au maintien de l’énergie nucléaire en France. Elle est celle qui permettra de répondre aux besoins du pays sans aggraver notre bilan carbone. Une autre nécessité s’impose : la maîtrise publique de ce mode de production d’électricité. C’est à l’État d’en assurer la sécurité, et d’investir dans la recherche. J’ai d’ailleurs condamné la mise à l’arrêt par Emmanuel Macron du programme Astrid [le réacteur de quatrième génération, NDLR]. Il faut investir dans le recyclage des déchets nucléaires afin de trouver une solution à ce problème.

Vous vous opposez donc à la fermeture programmée de 14 réacteurs d’ici à 2035, qui vise à faire baisser la part du nucléaire dans le mix à 50 %

Je suis contre l’abandon des réacteurs nucléaires. J’attire votre attention sur le fait qu’il y a 3 millions de Français en situation de précarité énergétique. Le parc nucléaire répond à ces difficultés. (NDLR : donc le nucléaire n’empêche pas la précarité énergétique qui, elle, relève d’un problème économique de répartition des richesses. C’est étonnant de la part d’un communiste de ne pas comprendre cela ! Pour mémoire, la France produit plus d’électricité qu’elle ne consomme donc la précarité ne vient pas d’une insuffisance de production). De plus, les besoins en électricité vont aller croissant, avec les nouveaux usages comme la voiture électrique. Enfin, j’ajoute que notre ambition de réindustrialiser le pays nécessite une électricité peu chère. Nous devons nous démarquer des pays concurrents non pas sur les salaires, mais sur l’énergie. Nous avons tout pour ça en France. Prenons le cas de l’acier, que je connais bien. Ascoval produit de l’acier vert, recyclé, mais cette filière a de gros besoins en électricité. Ce ne sont pas les énergies renouvelables qui suffiront, mais les barrages et les centrales nucléaires. Je préfère que cette usine soit alimentée par les moyens de production décarbonée française plutôt que par des centrales à charbon allemandes !

Même si ça vous semble accessoire, votre position est conforme au soutien historique du PCF à l’égard du nucléaire. Par le passé, la dimension écologique était un peu secondaire dans les élections. Aujourd’hui, n’est-ce pas périlleux de l’afficher aussi clairement à gauche ?

Notre parti a toujours soutenu les grands travaux et les programmes de recherche lancés par le général de Gaulle. Ils garantissaient la souveraineté de la France, notamment en matière énergétique, et ils nous offrent encore aujourd’hui une indépendance par rapport au gaz russe et aux centrales à charbon allemandes, entre autres. Nous étions aussi un grand pays industriel, grâce au soutien du nucléaire. À Dunkerque, par exemple, on a édifié une vaste usine Usinor en même temps que les centrales sur le littoral. Il y a un lien évident entre nucléaire et reconquête industrielle. Ma prise de position ne devrait pas poser de problèmes. Le débat doit se poursuivre. Je ne discute pas avec les autres candidats des partis de gauche, je discute avec les Français. Il faut leur accorder confiance pour faire bouger les lignes. À eux de dire ce qu’ils veulent.

Par Michel Revol, publié le 20/05/2021 à 11h00

Photo en titre : Fabien Roussel, le 23 mars, devant une filiale de Renault. © FRED TANNEAU / AFP

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NDLR : Qui a dit que le PCF était capable d’évoluer ? Le discours de son secrétaire général répond à la question !