POLYNÉSIE et NUCLÉAIRE – LA LOI BROTHERSON REFUSÉE SANS SURPRISE

Fin de parcours pour la loi Brotherson à l’Assemblée nationale.

C’est le voile dans la voix, très ému de se retrouver à présenter cette loi devant les élus de l’Assemblée nationale, et affecté par la disparition la veille d’Eugène Tekurarere, que Moetai Brotherson a présenté sa proposition de loi visant à la prise en charge et à la réparation des conséquences des essais nucléaires français.

Une loi qui n’avait pas passé le cap de la commission de la Défense, et qui s’est heurtée, comme il était fort prévisible, au vote négatif de la majorité La République en marche. « Nous parlons d’essais qui ont laissé des victimes indirectes, un lagon pollué, avec plusieurs kilos de plutonium. Accepteriez-vous la même chose dans le bassin d’Arcachon ou le lac de Pau? », a ainsi demandé Moetai Brotherson aux élus.

Sa proposition de loi, qui veut apporter une dimension environnementale à la loi Morin, tout en élargissant les indemnisations aux malades, n’a pas rencontré le soutien, ni du gouvernement, ni des élus de la majorité. La ministre des Armées, Florence Parly, s’est bornée à opposer à la proposition de loi deux choses. La loi Morin déjà en place et les études menées de 1996 à 1998, sous l’égide de l’Agence internationale de l’énergie atomique avec l’Organisation mondiale de la santé et l’ONU, qui mettaient en exergue « de faibles concentrations de matières résiduelles, considérées sans impact d’un point de vue radiologique ». Sans ciller, elle ajoutera même que « malgré ces conclusions rassurantes, l’État a eu le souci de poursuivre la surveillance sur Moruroa et Fangataufa pour informer en toute transparence les autorités du Pays ».

Ignorant délibérément la récente enquête du site Disclose sur les conséquences des retombées lors des tirs atmosphériques et les chiffres jusqu’à dix fois plus importants de radiation, le ministre de la Santé, Olivier Véran, a poursuivi, s’arrêtant pour sa part sur l’absence de preuve de transmission transgénérationnelle. « Les études sont non concluantes pour l’heure. Mais si une étude devait mettre en exergue des conséquences transgénérationnelles, nous en tireront les conclusions qui s’imposent, comme par le passé. »

Soutenu par la gauche démocrate et républicaine, par la voix de Jean-Paul Lecocq, pour qui « la France ne sait pas reconnaître ses erreurs et ne sait pas réparer dignement », et l’extrême gauche, Moetai Brotherson verra malgré tout sa loi ne pas être votée, renvoyé vers la table ronde qui doit se tenir prochainement.

« En deux jours, on va nous faire croire que tout va se débloquer autour d’une table ronde », ironisait alors le député indépendantiste. « L’histoire jugera. »

Entre le facteur émotionnel et le facteur rationnel, l’Assemblée nationale a fait son choix.

Par Bertrand Prévost, La Dépêche de Tahiti, publié le 18 Juin 2021 à 7h57 

Photo en titre : Moetai Brotherson verra sa loi ne pas être votée et sera renvoyé vers la table ronde qui doit se tenir prochainement. (©Capture d’écran)

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