Les syndicats de l’institut expert du nucléaire craignent que son indépendance pâtisse du transfert de ses compétences et de son personnel auprès de l’Autorité de sûreté nucléaire, chargée du pilotage stratégique de la filière.
Le gouvernement a annoncé jeudi 23 février le lancement de quatre groupes de travail qui plancheront sur le projet précipité et controversé de transfert de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), vigie et expert du risque radiologique en France, à l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN), gendarme du nucléaire, en pleine relance de l’atome en France. Ces groupes se pencheront sur le transfert des missions, sur les conditions de travail et l’attractivité des métiers, sur les évolutions réglementaires à prévoir et sur les sujets financiers.
Ces chantiers seront menés pendant trois mois par les dirigeants des deux organismes en concertation avec leur personnel, les parlementaires, l’Anccli (la fédération des commissions locales d’information, installées autour de chaque centrale en France), a détaillé le cabinet de la ministre de la transition énergétique, Agnès Pannier-Runacher.
Le gouvernement a annoncé le 8 février son intention de supprimer l’IRSN en expliquant qu’il s’agissait de « fluidifier les processus d’examen ». Selon le ministère, cette réforme doit « consacrer l’indépendance et la transparence du système de sûreté nucléaire français », « renforcer les compétences et la puissance d’action de l’ASN » et « accroître l’attractivité des métiers de la sûreté nucléaire ».
Crédibilité
Selon le projet, experts, techniciens et scientifiques de l’IRSN – quelque 1 700 personnes au total – rejoindraient l’ASN, surnommée « le gendarme du nucléaire », car elle prend la décision d’autoriser ou d’arrêter des centrales, sur la base de l’expertise technique de l’IRSN, entre autres.
La mise en œuvre de la réforme prendra un an à quinze mois, a souligné le cabinet qui, alerté par les syndicats, estime que les secteurs de l’expertise technique et du pilotage stratégique devraient rester « séparés ». Opposés à la réforme, ceux-ci accusent le gouvernement de vouloir « supprimer en quarante jours un organisme qui a mis quarante ans à être construit » et qui garantit la crédibilité du système nucléaire français, en séparant l’expertise et la décision.
Les salariés craignent non seulement de voir diminuer l’indépendance de l’organisation, mais aussi de voir disparaître la transparence des avis des experts de l’IRSN, publiés de façon indépendante, au moment où l’État et EDF veulent lancer un nouveau programme nucléaire et prolonger les centrales vieillissantes au-delà de cinquante ou soixante ans.
Le ministère a admis jeudi qu’il ne savait « pas répondre » à la question de savoir si les avis de l’IRSN seraient publiés avant ou après les décisions de l’ASN. « Il va falloir que le sujet soit très précisément posé », a affirmé un responsable.
Après une première grève – fait rarissime – le 20 février, l’intersyndicale de l’IRSN a annoncé un nouveau préavis pour le 28 février.
Par Le Monde avec AFP, publié le 23 février 2023 à 23h07
https://www.lemonde.fr/planete/article/2023/02/23/nucleaire-le-gouvernement-annonce-quatre-chantiers-pour-la-reforme-contestee-de-l-irsn_6163089_3244.html
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