Jusqu’au récent conseil de politique nucléaire tenu à l’Élysée début février, toutes les réformes de l’organisation de la sûreté nucléaire ont, depuis toujours, visé à l’améliorer, et par là même la confiance que les citoyens pouvaient porter à la sûreté des installations nucléaires.
La réforme lancée par ce conseil éclaterait l’institut de radioprotection et de sûreté nucléaire en deux morceaux: la recherche, que récupérerait le CEA, l’expertise, qui serait absorbée par l’Autorité de sûreté nucléaire, laquelle comme son nom l’indique est en charge du contrôle des exploitants, et donc le décideur ultime en matière de sûreté nucléaire.
Cette réforme s’écarte du chemin des réformes précédentes, en ce qu’elle est proposée au vote du Parlement par le biais d’un amendement gouvernemental au projet de loi d’accélération des procédures nucléaires, déjà examiné par le Sénat et en attente d’examen par l’Assemblée nationale.
Et de deux choses l’une: ou bien ce projet de réforme n’a rien à voir avec une volonté d’accélérer le développement du nucléaire, et alors c’est un cavalier législatif qui n’a rien à faire dans cette « loi d’accélération » et risquerait fort, s’il était adopté par le Parlement dans ce cadre, d’être censuré par le Conseil constitutionnel. Ou bien, et c’est le plus probable, cette réforme ne vise pas à renforcer la sécurité nucléaire mais seulement à « accélérer les procédures« , et c’est comme si son initiateur disait simplement, ce qui freine le nucléaire, c’est la sûreté, pour accélérer le nucléaire il nous faut diminuer la sûreté.
Le projet soulève de nombreuses questions quant au fond – il suffit d’écouter l’ancien député Claude Birraux, qui présida les missions de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technique, devant ce même office (portail vidéo de l’Assemblée nationales). Mais sans même examiner le fond, la précipitation dans laquelle ce projet est porté, et son inscription dans une loi d’accélération, ne lui laissent absolument aucune chance d’augmenter la confiance de l’opinion dans le nucléaire.
Macron doit être un militant anti-nuke infiltré, c’est sûrement ça.
Par Cédric Philibert , publié le 26 février 2023
Note concernant Cédric Philibert
Après avoir travaillé près de 20 ans à l’Agence Internationale de l’Énergie, Cédric Philibert poursuit son analyse des questions d’énergie et de climat. Il s’intéresse notamment à l’industrie et aux transports, et au rôle de l’électrification et de l’hydrogène dans la décarbonisation de l’économie mondiale.
Chercheur associé à l’Institut Français des Relations Internationales (IFRI) et à l’Université Nationale Australienne (ANU), il assure un enseignement à Sciences-Po Paris. Il entretient un blog personnel, Énergies et changements climatiques.
Cédric Philibert fut d’abord journaliste, puis conseiller du ministre de l’Environnement de 1988 à fin 1989. En 1990 il a publié « La Terre brûle-t-elle? » et « Du Neuf sous le soleil » (Calmann-Levy), et participé au lancement de la Fondation Énergies pour le Monde. De 1992 à 1998 il a conseillé le Directeur-général de l’Ademe.
Du début de l’année 2000 jusqu’à octobre 2019, il a travaillé à l’Agence Internationale de l’Énergie (AIE) sur le climat puis sur les énergies renouvelables. Il a rédigé ou participé à la rédaction de nombreuses publications de l’AIE, notamment « Beyond Kyoto (2002) », « Solar Energy Perspectives (2011) » et « Renewable Energy for Industry (2017) », ainsi que des feuilles de route technologiques sur l’éolien, l’hydroélectricité et le solaire.
Cédric Philibert a été candidat écologiste aux élections municipales de 1977 à Grenoble, et candidat écologiste à la députation dans la seconde circonscription de l’Isère en 1993.
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