Avec les voix du camp présidentiel, de LR et du RN, l’Assemblée nationale devrait largement adopter en première lecture mardi le projet de loi de relance du nucléaire, amputé de la réforme controversée de la sûreté.
Cette adoption doit intervenir alors que s’est achevé lundi le combat parlementaire autour de la réforme des retraites : le gouvernement s’est maintenu à neuf voix près et le texte phare du second quinquennat Macron a été définitivement adopté.
Sur le nucléaire, le vote solennel est prévu en fin d’après-midi après la séance de questions au gouvernement. Et il n’y a guère de suspense autour de ce texte que LR, RN, voire certains communistes s’apprêtent à soutenir.
Technique, le projet de loi réduit les procédures et les délais pour concrétiser les promesses d’Emmanuel Macron de bâtir six nouveaux réacteurs EPR à l’horizon 2035, et lancer des études pour huit d’autres.
Limité à de nouvelles installations situées sur des sites nucléaires existants ou à proximité, il avait déjà reçu un large soutien du Sénat fin janvier.
Après le vote de l’Assemblée, il doit poursuivre son parcours parlementaire, en commission mixte paritaire ou lors d’une deuxième lecture.
Pour « atteindre la neutralité carbone« , il ne faut « plus avoir le nucléaire honteux » : tel est le slogan des députés macronistes comme la rapporteure Maud Bregeon, ancienne d’EDF, qui a ferraillé contre EELV et les Insoumis, favorables à la sortie de l’atome et au passage aux 100% renouvelables à partir de 2045.
Face aux énergies fossiles, « accélérer les énergies renouvelables, c’est être écologiste. Relancer notre filière nucléaire, c’est être écologiste« , avait insisté la ministre de la Transition énergétique Agnès Pannier-Runacher au coup d’envoi des débats la semaine dernière.
Dans l’hémicycle, la députée écolo Julie Laernoes a combattu l’atome, ses « déboires industriels en cascade« , nos « centrales qui vieillissent mal« , citant la fissure « importante » révélée récemment dans la tuyauterie d’un réacteur de la centrale de Penly (Seine-Maritime).
Et l’Insoumis Aymeric Caron a insisté sur les « dangers » du nucléaire, rappelant les catastrophes de Tchernobyl (1986) et de Fukushima (2011).
Plus de « verrou »
Mais en pleine crise énergétique, une majorité de l’hémicycle soutient le nucléaire, « décarboné » et gage de « souveraineté« .
Dans le sillage du Sénat, l’Assemblée nationale a ainsi fait sauter l’objectif de réduction à 50% de la part de l’énergie nucléaire dans le mix électrique français d’ici à 2035, un « verrou » introduit sous la présidence de François Hollande.
Agnès Pannier-Runacher ne veut « ni plafond ni plancher » sur le sujet, alors que l’énergie nucléaire représente environ 70% de la production d’électricité habituellement, mais seulement 63% en 2022 en raison des arrêts de plusieurs réacteurs pour corrosion.
Les députés ont aussi validé un durcissement des peines en cas d’intrusions dans les centrales, sous les protestations de la gauche, qui redoute un frein aux actions militantes anti-nucléaires.
Le gouvernement a en revanche été mis en échec sur son projet de réforme de la sûreté, objet de vives critiques jusque dans la majorité.
L’exécutif voudrait fondre l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), expert technique, au sein de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN), le gendarme des centrales. Mais les députés ont voté pour préserver « l’organisation duale » actuelle.
L’exécutif n’entend pas pour autant désarmer et pourrait remettre le sujet sur la table durant la suite de la navette parlementaire.
« C’est un match en plusieurs sets et nous avons gagné la première manche« , estime François Jeffroy, représentant de l’intersyndicale de l’IRSN, qui a déjà organisé plusieurs journées de grève. « Nous sommes vigilants pour la suite. Nous restons mobilisés, et nous sommes prêts à intervenir auprès des sénateurs« , prévient-il.
La disparition de l’IRSN avait été décidée pendant un « conseil de politique nucléaire » autour d’Emmanuel Macron le 3 février, et introduite par un simple amendement en commission au Palais Bourbon.
Et cette fusion avec l’ASN, prévue pour « fluidifier » les décisions et faire face « au volume croissant d’activités lié à la relance de la filière« , ne figurait pas dans le projet de loi lors de sa large adoption au Sénat en janvier.
Ce texte nucléaire fait suite à une loi d’accélération des énergies renouvelables, adoptée en février, et précède une loi de programmation pluriannuelle de l’énergie, attendue au mieux cet été. Les oppositions critiquent un « saucissonnage« .
Par AFP, parue le 21 mars 2023 à 03h51
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