HYDROGÈNE : LE TORCHON BRÛLE ENTRE L’ESPAGNE ET LA FRANCE

Le gouvernement espagnol de Pedro Sanchez refuse de pallier le déficit énergétique de la France qui assurerait la production d’« hydrogène rose », d’origine nucléaire.

Le conflit entre la péninsule ibérique et l’Hexagone s’enlise. Le 17 mai dernier, la ministre de la Transition écologique espagnol, Teresa Ribera annonçait que l’Espagne n’était pas « disposée à compenser la demande d’électricité domestique si (la France) utilise ses centrales (nucléaires) pour produire de l’hydrogène. » Elle ajoutait : « Ce serait de la folie », à nos confrères de Reuters.

Passée sous les radars au nord des Pyrénées, la mise en garde de la ministre trahit pourtant la querelle existant autour de l’hydrogène en Europe.

Querelle diplomatique

L’hydrogène est considéré comme une alternative aux énergies carbonées. Cependant, ce carburant est mêlé à une querelle diplomatique entre deux groupes d’une dizaine d’États membres de l’Union européenne : l’« alliance du nucléaire » d’un côté, conduite par la France, les « amis des renouvelables » de l’autre, avec notamment l’Allemagne, la Belgique et l’Autriche aux côtés des pays ibériques.

Depuis des mois, le gouvernement français bataille pour que l’hydrogène « rose », énergie produite à partir d’électricité nucléaire, soit placé à égalité avec l’hydrogène « vert ». Celui-ci serait plus vertueux car produit à partir d’électricité d’origine renouvelable.

L’enjeu est grand, car les hydrogènes servent notamment de base pour définir les objectifs européens, notamment du suivi des réglementations et de leurs subventions, en matière de carburants pour différents secteurs comme le transport ou le bâtiment. À titre d’exemple, pour l’industrie, les négociations en cours entendent fixer à 60 % le taux d’hydrogène utilisé devant provenir de sources renouvelables d’ici à 2035. La France avait remporté, en février 2023, une manche importante en obtenant de la Commission européenne qu’elle adopte une définition plus large de l’hydrogène vert. Cela signifie que le Code de l’énergie français catégorise l’hydrogène d’origine nucléaire comme renouvelable.

Fin de l’approvisionnement espagnol en France ?

L’Espagne ne voit pas cette révision de la définition d’hydrogène vert d’un bon œil. Et pour cause, la péninsule ibérique, championne de l’énergie solaire et éolienne, n’accepte pas que « l’hydrogène rose soit considéré comme vert ». La ministre de la Transition écologique a même rappelé les efforts consentis dernièrement par Madrid pour aider la France, contrainte d’effectuer des travaux de maintenance dans plusieurs de ses centrales nucléaires, à faire face à ses problèmes d’approvisionnement.

L’hydrogène « rose » est produit à partir d’énergie nucléaire. Photo : Raimond Spekking/CC BY-SA 4.0 (via Wikimedia Commons)

L’Espagne a atteint un solde positif pour la première fois depuis 2010 en atteignant 9 térawattheures (TWh) d’électricité accordés à la France en 2022. Pour cela, la péninsule a eu recours aux énergies fossiles pour satisfaire la demande de son pays frontalier. Un recours qui a fait grincer des dents le gouvernement espagnol. « Nous avons été contraints d’exporter au maximum de nos capacités, en produisant de l’électricité au-delà de nos capacités en matière d’énergies renouvelables, a expliqué Teresa Ribera, et donc en utilisant plus de gaz que nous ne l’aurions souhaité. » 

Cette solidarité entre les deux pays pourrait ainsi s’atténuer si la France continue de s’appuyer sur les ressources espagnoles afin d’utiliser son énergie nucléaire à la production d’hydrogène, au détriment d’une alimentation directe de son réseau. Le bras de fer entre Paris et Madrid s’annonce corsé.

Par Camélia Balistrou, publié le 28 mai 2023

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https://www.equinoxmagazine.fr/2023/05/28/hydrogene-le-torchon-brule-entre-lespagne-et-la-france/