Les 16 États européens participants à l’ « alliance du nucléaire » vont préparer une feuille de route pour le développement d’une filière nucléaire européenne intégrée pour atteindre 150 GW de nucléaire dans le mix électrique de l’UE d’ici à 2050.
La ministre de la Transition énergétique, Agnès Pannier-Runacher, a réuni à Paris mardi matin (16 mai), 15 ministres et représentants de haut niveau de Belgique, Bulgarie, Croatie, Tchéquie, Finlande, Hongrie, Pays-Bas, Pologne, Roumanie, Slovénie, Slovaquie, Estonie, Suède, Italie et Royaume-Uni. Tous sont partie prenante de l’« alliance du nucléaire ».
La Suède était bien présente, alors qu’elle était restée neutre lors des réunions précédentes en raison de son rôle de présidente du Conseil de l’UE. Mais mardi, pour la première fois, le groupe s’est réuni exclusivement au sujet de l’ « alliance », après une première réunion à Stockholm fin-février en marge d’un sommet informel des États membres de l’UE et une deuxième à Bruxelles fin-mars en marge d’un conseil de l’Énergie européen.
Le Royaume-Uni a été invité à participer à l’évènement parisien. Le pays développe actuellement deux réacteurs nucléaires EPR2 à Hinkley Point C et deux autres sont dans les starting-blocks. De son côté, l’Italie a pris part aux réunions en tant qu’« observateur ».
Ensemble, les représentants ont signé une déclaration commune dans laquelle ils espèrent que l’énergie nucléaire pourrait représenter 150 GW de puissance installée dans l’UE à horizon 2050. Pour y parvenir, les parties prenantes de l’alliance exhortent la Commission européenne à encourager cette politique « dans la stratégie énergétique de l’UE », peut-on lire dans la déclaration conjointe signée mardi matin.
Présente lors de la réunion, la Commissaire européenne à l’Énergie, Kadri Simson, a déclaré qu’elle était à Paris « pour écouter leurs [États représentés] préoccupations ».
Avant une nouvelle réunion, probablement le 19 juin prochain au Luxembourg en marge du conseil de l’Énergie européen, les États parties de l’alliance vont préparer une feuille de route pour détailler leur ambition. La Commission européenne a également « demandé un papier commun qui mette en évidence la nature des projets », précise Agnès Pannier-Runacher.
30 à 45 nouveaux réacteurs et de nouveaux emplois
Actuellement, l’énergie nucléaire représente 100 GW de puissance installée au sein de l’UE. Pour atteindre 150 GW d’ici à 2050, le ministère de la Transition énergétique table sur la poursuite d’exploitation des installations existantes et « la construction de 30 à 45 nouveaux grands réacteurs et le développement de petits réacteurs modulaires (SMR) dans l’UE ».
Ce nombre provient « grossièrement, dit la ministre, de la revue des différents projets qui sont envisagés dans les réflexions que nous avons tous sur le rehaussement de nos trajectoires carbone », combiné au remplacement des réacteurs nucléaires anciens.
Avec 150 GW, le nucléaire pourrait ainsi maintenir, à horizon 2050, sa part actuelle de 25 % dans la production d’électricité de l’UE, précise la ministre.
En outre, le développement de 50 GW supplémentaires permettrait de générer 92 milliards d’euros (1,5 % à 2 % de l’économie de l’UE), dont 33 milliards d’excédent commercial.
Également « nous avons également constaté que ce développement de 50 GW complémentaires représente 450 000 recrutements supplémentaires en Europe. C’est gigantesque », se réjouit Mme Pannier-Runacher.
En tenant compte des départs à la retraite, cela représente plus de 300 000 emplois directs et indirects créés d’ici 2050, dont 200 000 emplois qualifiés, précise le ministère de la Transition énergétique par communiqué.
Pour cela, les États de l’alliance demandent à la Commission européenne de soutenir le développement d’« initiatives conjointes ». De son côté, l’alliance travaillera à bâtir des « programmes communs d’échanges entre techniciens et ingénieurs », avance-t-elle dans sa déclaration conjointe.
De nouveaux projets communs
En ligne de mire également, la mutualisation des forces dans le développement de SMR, dont l’acceptation est plus consensuelle au niveau européen. Les États de l’alliance sont ainsi prêts à travailler sur des processus de « standardisation du design des nouveaux réacteurs nucléaires ».
Pour leur développement, il est nécessaire que l’UE promeuve « de meilleures conditions » et « un meilleur accès au financement », déclarent les États signataires de la déclaration commune.
Ces derniers font ainsi référence au Net-Zero Industry Act présenté par la Commission européenne mi-mars, dans lequel les SMR et autres technologies nucléaires innovantes ne sont pas reconnus au même niveau que les autres technologies retenues comme nécessaires à la décarbonation de l’industrie européenne, comme l’éolien ou le solaire.
« Il est vrai que par rapport l’Inflation Reduction Act [qui subventionne le déploiement de l’ensemble des énergies décarbonées de production américaine dans le monde entier], il y a une différence sur les technologies qui sont couvertes. C’est donc un point de réflexion » des membres de l’alliance, précise Mme Pannier-Runacher.
Sûreté et indépendance
Enfin, les 16 États ont échangé sur la sureté et la sécurité d’approvisionnement. L’alliance et la Commission européenne se sont penchées sur les moyens pour « aider les pays européens, qui sont encore dépendants de la Russie, à réduire leur dépendance », a précisé la ministre de l’Énergie.
La Hongrie, la Slovaquie et la Bulgarie, présents lors de la réunion, font partie de ces pays dépendants, car ils disposent sur leurs sols de réacteurs de construction russe et alimenté par du combustible russe. Or, il faudra « probablement une petite dizaine d’années pour être capable de remplacer la fourniture de carburant nucléaire » de ces réacteurs russes par du combustible autre, précise Mme Pannier-Runacher.
La discussion commune sur ce sujet « constitue un grand pas en avant pour faire progresser notre sécurité en matière d’énergie propre », s’est réjoui le ministre de l’Énergie bulgare, Rosen Hristov.
Le Royaume-Uni a participé à la seconde réunion de la matinée relative à l’opérabilité de la relance du nucléaire en Europe. Dans ce cadre, le secrétaire d’État britannique en charge du nucléaire, Andrew Bowie, a partagé son retour d’expérience sur le chantier d’Hinkley Point C.
Pour le représentant britannique, cette réunion fut « une occasion fantastique pour le Royaume-Uni de s’impliquer et d’apprendre de nos homologues européens », a avancé M. Bowie.
Par Paul Messad, (EURACTIV France), publié le 16 mai 2023
Photo en titre : La ministre de la Transition énergétique, Agnès Pannier-Runacher, a réuni à Paris mardi matin, 15 ministres et représentants de haut niveau de Belgique, Bulgarie, Croatie, Tchéquie, Finlande, Hongrie, Pays-Bas, Pologne, Roumanie, Slovénie, Slovaquie, Estonie, Suède, Italie et Royaume-Uni. Tous sont partie prenante de l’« alliance du nucléaire ». [Paul Messad / EURACTIV France]
https://www.euractiv.fr/section/energie/news/l-alliance-du-nucleaire-planche-sur-150-gw-de-nucleaire-dans-lue-dici-2050/
NDLR : et toujours la sempiternelle prétendue « indépendance énergétique » !!!
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