Alors que la production d’électricité a été fortement perturbée par la sécheresse l’an dernier, EDF tente de limiter l’impact du dérèglement climatique sur ses réacteurs nucléaires actuels et à venir.
L’été 2022, avec sa combinaison de canicule et de sécheresse, a donné un bon aperçu des défis qui attendent EDF pour continuer à produire de l’électricité – et de plus en plus – dans les années qui viennent. Les très faibles débit des cours d’eau utilisés pour le refroidissement des réacteurs et leur température en hausse ont obligé l’électricien à jongler avec des mesures techniques et réglementaires pour maintenir sa production.
La moitié des prélèvements d’eau
Pour leur refroidissement, les centrales électriques représentent plus de la moitié (51 %) des prélèvements d’eau douce et 12 % de sa consommation, en troisième position derrière les usages agricoles et la production d’eau potable. Prélèvements et consommation, une nuance d’importance car dans le premier cas, l’eau est rejetée dans le milieu naturel tandis qu’elle est absorbée dans le second. Les 56 réacteurs du parc nucléaire français disposent de deux types de circuit de refroidissement : ouvert, le réacteur prélève 170 litres d’eau par kWh produit. « L’eau est ensuite intégralement restituée mais sa température augmente et le réchauffement du milieu atteint en moyenne 4 à 5 °C », explique Cécile Laugier, directrice environnement et prospective de la division production nucléaire.
Nouveaux réservoirs d’effluents
Or les normes environnementales interdisent de rejeter l’eau au-delà de certains seuils de température. « Si l’étiage du fleuve est trop faible pour rester en-deçà de ces normes, nous stockons ces effluents dans des réservoirs jusqu’à ce le cours d’eau ait retrouvé ses capacités de dilution », indique Cécile Laugier. Un soutien à la production qui peut s’étendre sur plusieurs semaines et qu’EDF se prépare à renforcer avec la construction de nouveaux réservoirs. Une étude est en cours pour déterminer leur nombre et les premiers seront construits à la centrale de Civaux (Vienne).
Explorer les possibilités
L’autre méthode de refroidissement passe par un circuit fermé, c’est-à-dire les tours aéroréfrigérantes, emblématiques des installations nucléaires, dans lesquelles la réaction d’échange de la chaleur se fait non avec l’eau mais avec l’air. « C’est très efficace, relève Cécile Laugier : l’échauffement est de quelques dixièmes de degrés seulement ». En revanche, une partie de l’eau s’évapore et ce système ne restitue que 77 % de ses prélèvements. EDF explore donc de nouvelles possibilités techniques.
Récupérer la vapeur d’eau
À la centrale de Bugey (Ain), l’électricien expérimentera ainsi d’ici la fin de l’année un dispositif de panneaux à électricité statique permettant de condenser la vapeur d’eau qui s’échappe des tours de refroidissement et ainsi d’en récupérer une partie. Mais la technologie ne permettra pas de maintenir la production électrique en toutes circonstances : « il arrive de plus en plus souvent que la température de la Garonne atteigne 28 °C, son maximum autorisé pour effectuer des rejets, avant même d’arriver à la centrale de Golfech », explique Cécile Laugier. EDF veut donc relever les normes environnementales et a engagé des discussions avec l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) en ce sens.
1,5 % de pertes en 2050
Depuis 2000, les pertes de production pour des raisons environnementales s’élèvent en moyenne à 0,3 % par an et l’électricien prévoit qu’elles atteindront 1,5 % en 2050. « Cela n’entame en rien la rentabilité et l’intérêt de la production nucléaire », estime Cécile Laugier. Le groupe surveille également ce qui se fait à l’étranger, dans des zones parfois extrêmement arides (États-Unis, Émirats arabes unis, etc.) : échangeurs de chaleur plus gros ou traitements chimiques des effluents, chaque technique ayant également ses inconvénients.
Assurer la sûreté en 2100
Des solutions qui pourraient également servir aux futurs réacteurs alors que le projet de loi d’accélération du nucléaire vient d’être adopté par le Parlement. Le gouvernement veut construire six EPR 2 dans un premier temps puis éventuellement huit autres. « Nous devons être capables d’assurer la sûreté de nouvelles installations en 2100, c’est-à-dire au maximum de ce que permettent d’extrapoler les données du Giec », explique Hervé Cordier, expert à la direction de l’ingénierie et des projets nouveau nucléaire.
Hypothèses révisées tous les dix ans
Les nouvelles installations devront donc résister à un aléa décamillénal dans un scénario pénalisant du Giec. Ainsi, pour parer à une inondation, l’électricien part du niveau maximal susceptible de se présenter une fois tous les 10 000 ans auquel il ajoute une marge supplémentaire d’un mètre. « Cela nous donne le niveau auquel on doit, a minima, caler la plateforme de l’installation », conclut Hervé Cordier. EDF prévoit de revoir ses hypothèses pour 2100 tous les dix ans afin de coller à l’évolution du changement climatique.
Par Stéphanie Frank, publié le 19 mai 2023 à 14h34
Photo en titre : À Golfech (Tarn-et-Garonne), la température du fleuve atteint de plus en plus souvent sa limite maximale pour les rejets d’eau avant même d’arriver à la centrale.
NDLR : N’oubliez jamais que les 2/3 de la chaleur produite par les réacteurs nucléaires s’ajoutent au réchauffement de la planète quelle que soit la manière de refroidir les réacteurs. Donc faire de l’électricité en créant artificiellement une chaleur qui n’existe pas à l’état naturel va à contre-courant des solutions contre le réchauffement climatique ! Et plus on construira de réacteurs nucléaires, plus on ajoutera leur chaleur émise au système thermique de notre planète quel que soit le procédé de refroidissement, c’est pourtant simple à comprendre !!!
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