MOSCOU ET PYONGYANG POURRAIENT BÉNÉFICIER D’UN PARTENARIAT MAIS SEULEMENT JUSQU’À UN CERTAIN POINT

WASHINGTON/SÉOUL, 08 sept. (Yonhap) — La Corée du Nord et la Russie pourraient être en train de chercher à améliorer leurs relations car ils ont les deux des avantages à en tirer, mais l’étendue de leur coopération connaîtra probablement des limites, particulièrement au niveau des technologies militaires avancées comme l’arme nucléaire, a évalué jeudi Sydney Seiler, ancien responsable chargé des affaires nord-coréennes au Conseil national du renseignement (NIC) des États-Unis.

Seiler partageait son analyse de la situation lors d’un séminaire donné en visioconférence et proposé par le Centre d’études stratégiques et internationales (CSIS), un groupe de réflexion basé à Washington. « Du point de vue de la Russie, Vladimir Poutine est désespéré », a-t-il dit. « Il se tourne auprès de ceux dont il a besoin. » Il considère néanmoins que le président russe préfèrerait que la Corée du Nord ne soit pas dotée de l’arme nucléaire. « La Russie a adhéré à l’idée que la dénucléarisation de la péninsule coréenne demeure un objectif. Ils n’acceptent pas une Corée du Nord nucléaire à proprement parler. »

Ses remarques sont intervenues après que des représentants de la Maison-Blanche ont insinué qu’une rencontre entre les dirigeants nord-coréen et russe pourrait avoir lieu très prochainement pour négocier une vente d’armes. Le ministre russe de la Défense Sergueï Choïgou s’était rendu à Pyongyang en personne fin juillet, officiellement pour participer aux célébrations de la fin des hostilités de la guerre de Corée (1950-1953). Mais des responsables américains y ont vu là une opération de séduction pour convaincre la Corée du Nord de fournir à la Russie de l’armement pour sa guerre en Ukraine. Le Nord, en échange, pourrait être intéressé par des technologies militaires avancées, y compris dans le domaine nucléaire ou balistique.

« Le scénario du pire serait que […] les relations entre la Russie et la Corée du Nord passent au rang supérieur, dans lequel la Russie chercherait sérieusement à améliorer les capacités militaires (de la Corée du Nord) », a indiqué Seiler.

L’ancien haut responsable au renseignement a tenu à rappeler toutefois que toute nouvelle coopération entre les deux pays se confronterait probablement à certaines limites qu’il a qualifié de traditionnelles. « Quand vous jetez un coup d’œil à l’histoire des relations entre la Russie et la Corée, […] il y a toujours eu des limites quant à la robustesse de ces relations : ce que Moscou proposait à Pyongyang au-delà de la rhétorique, ce que Pyongyang espérait obtenir de Moscou, ce qu’il réussissait à obtenir, ce qui ne fonctionnait pas. »

« Donc la bonne nouvelle […] est que beaucoup de ces limitations ou paramètres traditionnels dans le cadre desquels leurs relations vont probablement se dérouler agiront en tant que facteurs limitatifs sur l’importance stratégique que celles-ci pourraient avoir », a-t-il ajouté.

Seiler ne considère pas pour autant qu’un rapprochement entre les deux pays est sans danger, pointant notamment qu’un soutien russe pour l’armement conventionnel de la Corée du Nord pourrait avoir un impact sur les relations sur la péninsule. Il a rappelé que l’Armée populaire de Corée (APC) dispose d’environ 1 million d’hommes et femmes. « C’est beaucoup. Et la quantité a une certaine qualité qui lui est propre. Mais elle fait face à bon nombre de lacunes en termes de ressources et à un manque de modernisation de certains systèmes dans les domaines terrestre, aérien et naval. »

« Et s’ils trouvent en la Russie un partenaire disposé à les aider à mettre à jour certaines de leurs forces conventionnelles, nous ne devrions jamais oublier que cela augmenterait également la menace posée par le programme nucléaire nord-coréen, car ils se retrouveraient alors plus confiants dans leur résistance face à notre réponse quelle qu’elle soit », a-t-il conclu.

Par Fabien Schneider, (fabien@yna.co.kr) publié le 08.09.2023 à 09h48

Photo en titre : Sydney Seiler, ancien responsable chargé des affaires nord-coréennes au Conseil national du renseignement (NIC) des États-Unis, s’exprime lors d’un séminaire donné en visioconférence et proposé par le Centre d’études stratégiques et internationales (CSIS), le 7 septembre 2023. (Capture d’écran)

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