Méthodiquement et obstinément, les dirigeants d’Areva poursuivent la lourde tâche de sauvetage du groupe nucléaire. A l’issue d’un conseil d’administration réuni la veille, ils ont annoncé, mardi 30 août, le début de sa scission en deux sociétés distinctes et la répartition entre elles de l’augmentation de capital de 5 milliards d’euros décidée par l’État pour sauver l’ensemble de la faillite annoncée. Ce démembrement d’Areva, né en 2001 du mariage de Cogema, Framatome et CEA Industries, est une des opérations phares de la restructuration de la filière nucléaire française décidée en juin 2015 par le président de la République, François Hollande. L’autre mesure-clé est la cession à EDF et ses partenaires des activités de conception-fabrication et de maintenance des réacteurs, aujourd’hui regroupées au sein d’Areva NP.
Au terme du processus, Areva sera en fait éclaté en trois entreprises distinctes mais liées par certaines activités, des liens capitalistiques et quelques passifs.
NewCo
C’est le nouveau nom de l’entreprise, en attendant mieux. Elle sera pilotée par l’actuel directeur général d’Areva, Philippe Knoche, un « historique » présent depuis la création du groupe. Après transfert d’Areva SA, cette nouvelle entité abritera toutes les activités du cycle du combustible (extraction de l’uranium, enrichissement du minerai, retraitement des combustibles usés des centrales, transport et stockage, démantèlement des installations nucléaires…). L’opération sera soumise à une assemblée générale extraordinaire, le 3 novembre, dont l’approbation ne fait pas de doute : l’État est actionnaire à 87 % d’Areva.
Areva précise qu’elle regroupera « l’ensemble des actifs et passifs liés à son activité sur le cycle du combustible nucléaire, ainsi que l’ensemble des dettes obligataires ». La société sera valorisée 2 milliards d’euros, une fois sa trésorerie et ses dettes financières comptabilisées. Au fil des ans, Areva avait en effet émis pour 4,850 milliards d’obligations arrivant à échéance entre octobre 2017 et septembre 2024. Ce transfert de la dette obligataire d’Areva vers NewCo sera soumis à l’approbation de ses créanciers lors d’une assemblée générale le 19 septembre. Hors ces éléments, ses dirigeants ont estimé la valorisation de NewCo à 6,5 milliards.
Pour financer son développement, NewCo aura droit à 3 milliards d’euros de capitaux frais sur les 5 milliards promis pas l’État actionnaire, sous réserve d’un accord de la Commission européenne, toujours vigilante sur les aides d’État. L’État assurera la plus grosse part de cette recapitalisation et possédera au moins deux tiers de NewCo, le reliquat étant détenu par des partenaires français ou étrangers. L’exploitant de centrales China National Nuclear Corporation, déjà partenaire d’Areva, a marqué son intérêt. NewCo, qui n’a pas vocation à être sous perfusion d’argent public, « devra se financer sur les marchés à moyen terme », préviennent ses dirigeants.
Au terme de cette recapitalisation, la nouvelle société escompte une marge d’excédent brut d’exploitation comprise entre 22 % et 25 % à l’horizon 2020, un objectif revu à la baisse par rapport à juin, où le groupe tablait sur un Ebitda de 25 % (chiffres d’affaires hors taxes moins les charges). Raisonnablement optimiste sur la nouvelle structure, Standard & Poor’s lui a attribué une note B+.
Areva SA
Elle sera, de fait, une structure de défaisance qui prendra à sa charge de lourds passifs. C’est elle qui devra notamment gérer le dossier du réacteur EPR finlandais d’Olkiluoto 3 (OL3), qui fait l’objet d’un contentieux et d’une procédure d’arbitrage international entre Areva et son client TVO. Le coût du chantier lancé en 2005 est passé de 3 à 9 milliards d’euros, et le calendrier affichera au final un retard de dix ans. Mais c’est Areva NP qui assurera la « terminaison » du chantier OL3, prévue fin 2018.
Areva SA devra aussi gérer la sortie du secteur des énergies renouvelables, où il s’était lancé au milieu des années 2000. Et notamment sa participation de 50 % dans d’Adwen, la coentreprise créée avec le fabricant d’éoliennes Gamesa. Elle n’a plus de raison d’être depuis la fusion annoncée de l’activité éolienne de l’espagnol avec l’allemand Siemens. Areva SA bénéficiera début 2017 d’une augmentation de capital de 2 milliards d’euros. Elle a déjà reçu le produit de la vente de Canberra, sa filiale de fabrication d’instruments de détection et de mesure de la radioactivité (1 000 emplois), cédée en juillet à l’américain Mirion Technologies pour quelque 300 millions.
Areva NP
L’activité de fabrication et d’entretien des réacteurs nucléaires, valorisée au minimum 2,5 milliards, passera en 2017 dans le giron d’EDF. L’électricien ne souhaite détenir que 51 % de cette filiale au côté d’Areva (environ 15 %), et l’opération sera ouverte à des partenaires, notamment au japonais Mitsubishi Heavy Industries.
L’activité de services (maintenance et optimisation des réacteurs) peut assurer des revenus récurrents à EDF, Areva NP disposant d’un portefeuille de contrats pour quelque 250 réacteurs (sur un parc mondial de 435 réacteurs) sur lesquels ses ingénieurs interviennent. En revanche, la construction de nouveaux réacteurs (cuves, générateurs de vapeur, vannes…) reste encalminée plus de cinq ans après la catastrophe de Fukushima. Et les lourdes incertitudes pesant sur les projets d’EDF au Royaume-Uni (quatre EPR) ne font qu’obscurcir l’horizon d’Areva NP. Mais aussi celui de General Electric, qui doit fournir les quatre turbines Arabelle des EPR britanniques depuis son rachat d’Alstom.
http://www.lemonde.fr/economie/article/2016/09/01/les-dirigeants-d-areva-donnent-le-top-depart-du-demantelement_4990960_3234.html#g0VguEPfs6guUhZW.99
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