CENTRALE DE CHINON : LE JUGEMENT PASSE MAL

jugement-4Si nul ne veut réagir face caméra, nombre de salariés de la centrale de Chinon confient leur ras-le-bol de voir leur professionnalisme remis en cause. La banderole du comité central d’entreprise disant « Non à la fermeture de Fessenheim » témoigne aussi d’un certain malaise…
 Si le réseau Sortir du nucléaire exulte après le jugement du tribunal de police de Tours condamnant EDF et le directeur de la centrale nucléaire de Chinon à de lourdes amendes (lire ci-dessous), beaucoup sur le site tombent des nues devant un jugement allant largement au-delà des réquisitions du parquet.
Condamné personnellement, alors même que certaines constatations du dossier remontent à une période où il n’était pas encore en poste à Chinon, le directeur, Régis Clément, garde le silence. Pour ne pas envenimer les débats.

«  Marre des leçons de probité  »
Mais, de source proche du dossier, nombre de responsables, côté encadrement, comme côté syndicats, admettent mal cette mise en cause d’un dirigeant apprécié pour sa rigueur et une motivation de tous les instants.

Fondée sur des faits constatés en 2013 et une plainte déposée en 2014, cette affaire a pourtant été considérée par l’ASN (Agence de sûreté nucléaire) comme mineure. L’ASN, souvent appelé le gendarme du nucléaire, avait d’ailleurs refusé de se porter partie civile, et n’avait même pas dressé de procès-verbal, ni actionné aucun moyen de coercition, pour les faits en question, considérant que les écarts (minimes) à la règle avaient été corrigés.
On parle ici en particulier du stockage de quelques litres de produits chimiques (eau de javel et acides) dans la même armoire, ce qui est dangereux. Sauf que ladite armoire était blindée et ignifugée, et que les mêmes produits voisinent à l’air libre dans nombre de rayons de supermarchés sans que ceux-ci soient inquiétés.
En cause aussi, une fuite de quelques gouttes par heure de bore sur une canalisation à un endroit dûment repéré et nettoyé régulièrement avant réparation.
Le règlement dans le nucléaire étant on ne peut plus draconien, les responsables de la centrale auraient pu comprendre (et encore…) la condamnation à des amendes légères, telles que celles requises. Mais le jugement rendu ne leur paraît pas équitable.
 « On en a marre de se faire donner des leçons sur la probité », tonne un cadre, ajoutant : « Nous sommes inspectés comme aucun autre secteur au monde. On a tous conscience que l’on doit être rigoureux et l’on aime nos métiers, qui apportent tant à la région, au pays. On en est fiers, vraiment. Alors, ras-le-bol d’être l’objet de suspicion permanente. »
Et de rappeler tout le travail effectué ces dernières années par les équipes, du haut en bas de l’échelle, sur le chemin de la rigueur : « Le site n’est d’ailleurs plus en surveillance spécifique, et a rejoint le haut du peloton des centrales françaises. Deux évaluations indépendantes récentes en attestent. »
Assurément, dans ces conditions, le jugement du tribunal de Tours passe mal.
EDF a jusqu’au 15 décembre pour faire appel du jugement
Si la direction de la centrale nucléaire de Chinon reste totalement muette sur cette affaire, on imagine bien que le service juridique et les avocats d’EDF travaillent à préparer les termes d’un éventuel appel. Rappelons que la centrale de Chinon et son directeur, Régis Clément, ont été jugés « coupables de violation aux règles techniques générales d’une exploitation nucléaire de base ».
 Lors de l’audience du 11 octobre dernier, au tribunal de police de Tours, le parquet avait juste requis trois peines d’amende de 500 € chacune, avec sursis intégral, pour trois infractions au code de l’environnement.
 Mardi dernier, la juge du tribunal de police de Tours est donc allée très au-delà des réquisitions, en prononçant un total de 10.500 € d’amendes, dont 7.000 € contre le fournisseur historique d’électricité et 3.500 € contre Régis Clément « ès qualités ».
 Rendu mardi 6 décembre, ce jugement est susceptible d’appel durant dix jours à compter de son prononcé.
 EDF et le directeur de la centrale ont donc jusqu’au 15 décembre pour interjeter appel. Encore faut-il avoir eu communication du jugement complet et de ses attendus pour savoir exactement sur quoi la condamnation est fondée et en tirer ou non arguments d’appel.
Dans l’entourage du dossier, on semble bien décidé à ne pas en rester là…
        
Article de Patrick Goupil

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