EMMANUEL MACRON JOUE AU LEADER ÉCOLO À L’INTERNATIONAL, MAIS QUE VAUT-IL EN FRANCE SUR CE SUJET?

ENVIRONNEMENT – « Make our planet great again« , des déclarations fortes à l’ONU, et un sommet international sur le climat qui doit s’ouvrir mardi 12 décembre 2017 dans la capitale française, deux ans jour pour jour après la signature de l’Accord de Paris. Depuis son arrivée au pouvoir, Emmanuel Macron a multiplié les prises de positions fortes sur le réchauffement climatique et plus largement, l’environnement, tentant de s’imposer comme le « leader » international sur la question.

Mais parce que « charité bien ordonné commence par soi-même« , que peut-on retenir de ses premiers gestes environnementaux sur le territoire français? La nomination de Nicolas Hulot comme ministre la transition écologique et solidaire avait dans un premier temps envoyé un signal positif. Mais depuis, les espoirs semblent avoir été quelque peu douchés.

Début novembre, l’ancienne ministre Corinne Lepage estimait ainsi que l’écologie n’était pas « la tasse de thé » d’Emmanuel Macron. Nicolas Hulot « essaie de sauver les meubles » mais n’a « pour le moment pas obtenu grand-chose« , affirmait-elle.

« Ce dont j’ai l’impression, c’est qu’on lui laisse dire des choses ou faire des choses pour dans dix, vingt, trente ans parce que, finalement, ça ne gêne personne tout de suite. Mais sur les mesures immédiates, le glyphosate, les perturbateurs endocriniens, les milliards dépensés dans le nucléaire (…), le pauvre malheureux ne peut pas faire grand-chose« , regrettait alors celle qui occupait le même poste dans le passé.

Nicolas Hulot est loin d’être le ministre le plus détesté du gouvernement. Mais alors qu’Emmanuel Macron ne s’est que peu exprimé sur les sujets environnementaux nationaux, c’est son ministre de la Transition énergétique qui semble payer les pots cassés, et notamment celui de la reculade sur le nucléaire, qui lui a valu des critiques sévères de ses anciens collègues écologistes. En dépit de son « plan climat » dont certaines mesures ont déjà été adoptées, sa place au sein du gouvernement et son champ d’action réel sont régulièrement mis en doute, alors même que 43% des Français interrogés aimeraient qu’il ait davantage d’influence, selon un sondage BVA paru fin novembre.

Des paroles… et des actes?

Corinne Lepage n’est pas la seule à critiquer le côté uniquement « marketing » du nouveau gouvernement sur l’écologie. Les associations de défense de l’environnement partagent elles aussi ce constat. Interrogée par Le HuffPost, Lucile Dufour, du Réseau Action Climat, souligne ainsi le rôle d’exemple que devait donner la France, avant de pouvoir prétendre au leadership international sur le sujet.

« Ce que l’on voit depuis le début du quinquennat en France, c’est qu’on nous donne de grands objectifs avec certains ambitions, comme par exemple atteindre la neutralité carbone en gaz à effet de serre d’ici à 2050. Mais la question reste la même: comment fait-on dès maintenant pour mettre en place des politiques de court terme qui vont nous permettre d’atteindre des objectifs de très long terme?« , soulignait-elle avant le discours d’Emmanuel Macron à la COP23.

Le discours du président à ce rendez-vous d’envergure a-t-il permis de renverser la vapeur? Pas vraiment, à en croire les bilans dressés par les défenseurs de l’environnement. L’ONG internationale CARE a ainsi jugé que le président « s’était contenté de prononcer de belles paroles et de recycler d’anciennes annonces, pourtant insuffisantes« . Même constat du côté de Greenpeace, pour qui Emmanuel Macron a « manqué le rendez-vous« .

Avant le sommet qui doit s’ouvrir mardi à Paris, Réseau Action Climat a pointé plusieurs points à l’échelle nationale sur lesquels le président est attendu. Ils concernent des secteurs variés, allant de la baisse de l’exploitation du nucléaire à la rénovation des logements « passoires« , en passant par la fin du soutien financier public aux énergies fossiles des grandes institutions françaises, entre autres.

Et les scientifiques, ils en pensent quoi?

Que le tableau dressé par les associations soit sévère n’est pas vraiment étonnant. Mais ce constat est-il le même du côté des scientifiques? Interrogé par Le HuffPost, Thibault Laconde, ingénieur et consultant spécialiste des questions énergie et climat nuance: « On voit qu’il y a une activité sur le thème de l’écologie. Il y a eu des sujets mis en avant, des discussions au sein du gouvernement et aussi avec les parties prenantes de la société civile« , reconnait-il, avant de souligner que c’était aussi le cas au début des quinquennats précédents. Pour lui -comme pour les associations- l’enjeu est plutôt dans la durée. Il faudra surtout être capable de « traduire les intentions du début en vrais changements« , et après seulement sept mois de présidence, il est difficile de se lancer dans des prédictions.

Pourtant, il note malgré tout certaines actions encourageantes du gouvernement. La première d’entre elles est la hausse programmée de la taxe carbone dans le projet de loi finance 2018. « C’est un engagement fort sur un sujet qui n’est pas forcément populaire. Et ce genre de chose me fait penser qu’il y a quand même une certaine sincérité dans l’engagement du gouvernement Macron sur le climat. C’est peut-être moins vrai sur les sujets écologiques au sens large, mais sur le climat oui« , analyse Thibault Laconde.

Autre point positif pointé par l’ingénieur, la loi interdisant l’exploration et l’exploitation des hydrocarbures en 2040, qui a fait de la France un pays pionner en la matière, bien que les ONG fassent remarquer que Total veut forer dans l’embouchure de l’Amazone.

La perspective annoncée par Nicolas Hulot d’atteindre la neutralité carbone en 2050 est également saluée même si, comme le rappelle Thibault Laconde, cet aspect était déjà sous-entendu dans l’Accord de Paris.

Enfin, la position française sur le glyphosate -à contre sens de la décision européenne sur le sujet-, et l’objectif de 50% de bio dans la restauration scolaire, qui devrait être inscrit dans la loi, respectent aussi deux des promesses de campagne du candidat Macron.

Toutefois, le tableau n’est pas tout rose. Impossible en effet d’oublier la polémique sur la réduction de la part du nucléaire, le point le plus noir de l’action gouvernementale en matière d’environnement pour Thibault Laconde. « Sur le nucléaire, il y a eu une clarification, le mérite est là. Mais cela pose quand même deux problèmes. Le premier étant que l’on revient sur un engagement de campagne du président Macron moins de six mois après son élection. Pourquoi est-ce qu’il n’y a pas eu cette discussion pendant la campagne, au moment où l’on pouvait faire des propositions et les faire valider par le scrutin? C’est vraiment un sujet de société et c’est dommage qu’il n’ait pas été discuté en amont, et qu’il soit maintenant appelé à se résoudre dans un cabinet ou dans un couloir de l’Assemblée, un peu à la sauvette.« 

L’autre difficulté est celle de l’agenda: le gouvernement doit présenter fin 2018 sa programmation pluriannuelle énergétique (PPE), et elle devait, à l’origine tenir compte de la loi de 2015 qui actait les 50% de réduction de la part du nucléaire en 2025. Mais cet objectif a désormais été revu par le gouvernement, qui n’a pas pour l’instant donné de nouvelles consignes. Dès lors, comment établir les prévisions pour les années à venir sans régler ce point précis? La promesse du candidat Macron de doubler la capacité en éolien et en solaire photovoltaïque d’ici 2022 est louable, mais elle ne pourra pas compenser une baisse conséquente du nucléaire, affirme Thibault Laconde.

Outre le nucléaire, le retournement de veste de la France sur la définition des perturbateurs endocriniens est aussi mal passé. L’institut I4CE alerte aussi sur la stagnation des investissements en faveur du climat (hors recherche), avec un écart annuel « de 20 à 40 milliards d’euros » entre financements et besoins.

Les ONG ont du mal aussi à digérer l’accord de libre-échange avec le Canada (CETA), vu comme affaiblissant les normes environnementales, et la suspension des négociations européennes autour d’une taxe sur les transactions financières, même si quatre ministres dont Bruno Le Maire et Nicolas Hulot se sont prononcés en faveur de son instauration.

Reste encore en suspens, parmi les gros dossiers environnementaux nationaux, l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes. Le rapport des médiateurs doit arriver sur le bureau d’Édouard Philippe mercredi 13 décembre, au lendemain du sommet du climat. Ce sujet aura d’ailleurs sans doute un impact sur la crédibilité de Nicolas Hulot, qui doit annoncer dans la foulée s’il conserve ou non son poste de ministre. Lui est personnellement opposé au projet mais reste pour l’instant prudent sur la décision que pourrait prendre le chef de l’état et le premier ministre.

En résumé? « Sur ces sept premiers mois de mandat, est-ce qu’on aurait pu viser plus haut? Oui. Est-ce qu’on aurait pu vouloir faire plus? Oui. Est-ce qu’on aurait pu faire mieux? Je n’en suis pas certain. Sur la méthode il se passe des choses, il y a une réflexion, il y a des choses engagées. Sur les objectifs, on n’est pas trop au clair« , conclut Thibault Laconde.

Du côté de la présidence en tout cas, les ambitions sont affichées jusque dans l’agenda hebdomadaire transmis ce dimanche, où le logo du Sommet à venir est affiché… huit fois.

http://www.huffingtonpost.fr/2017/12/10/emmanuel-macron-joue-au-leader-ecolo-a-linternational-mais-que-vaut-il-en-france-sur-ce-sujet_a_23300320/