LA FRANCE DOIT CLARIFIER SA POLITIQUE ÉNERGÉTIQUE

Éditorial du « Monde ».

À la veille de l’annonce du plan de Programmation pluriannuelle de l’énergie, rappelons que le « en même temps » du président Macron ne peut pas fonctionner en la matière.

Emmanuel Macron devrait annoncer, mardi 27 novembre, les grandes lignes de la Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE). Cette feuille de route voulue par la loi de transition énergétique de 2015 vise deux objectifs. D’abord, affronter le défi du changement climatique en limitant drastiquement les émissions de gaz à effet de serre, qui sont reparties à la hausse en 2017. Ensuite, permettre de diversifier le mix électrique, en réduisant notre dépendance au nucléaire.

Le gouvernement peut agir sur plusieurs fronts. La réduction de la consommation d’énergie est le plus important. Les bâtiments représentent 45 % de celle-ci et 19 % des émissions de gaz à effet de serre. La trajectoire voulue par le gouvernement prévoit une éradication des « passoires » énergétiques d’ici à 2025 et un parc de logements basse consommation à l’horizon 2050. Mais les dispositifs actuels, parfois flous, souvent inadaptés, ne permettent pas de rénover assez rapidement le parc. Or, sans réduction drastique de la consommation dans les bâtiments, tout débat sur les perspectives énergétiques de la France est vain.

L’autre grand chantier est celui des transports, qui pèsent pour 29 % dans les émissions de CO2. Le débat actuel sur la fiscalité écologique et le mouvement des « gilets jaunes » doivent inciter au développement d’alternatives crédibles à la voiture à essence, tout en prévoyant des dispositifs d’accompagnement pour les ménages les plus modestes. Qu’il s’agisse de développer les véhicules électriques, le covoiturage, le vélo, les transports en commun, ce chantier est prioritaire.

Dernier chantier : la production d’électricité. En France, elle est à 75 % d’origine nucléaire et n’émet quasiment pas de CO2. Une situation unique au monde. Par ailleurs, le président de la République s’est engagé à fermer avant 2022 les quatre dernières centrales à charbon françaises – une décision nécessaire.

Rattraper le retard

Reste à dessiner ce que doit être notre mix électrique pour les dix prochaines années. D’un côté, François de Rugy, ministre de la transition écologique et solidaire, demande six fermetures de réacteurs nucléaires avant 2028 et un développement massif des énergies renouvelables. De l’autre, EDF, qui opère les 58 réacteurs installés sur le territoire, estime que rien ne presse, et qu’aucune fermeture n’est nécessaire dans les dix prochaines années. Le groupe demande aussi au gouvernement de se prononcer sur la construction d’au moins un nouvel EPR, un réacteur de troisième génération. Le développement de l’éolien et du solaire – dont les coûts ont considérablement baissé ces dernières années – semble, lui, faire consensus.

Entre ces différentes pistes, Emmanuel Macron paraît tenté de ne pas trancher. C’est néanmoins indispensable. Pour dessiner un futur énergétique sans augmenter les émissions de CO2 à l’horizon 2035, la France ne pourra pas longtemps différer les décisions. Le parc nucléaire vieillit et ne sera pas éternel. Souhaite-t-on engager son renouvellement ? Il faudrait alors décider rapidement la construction de nouveaux réacteurs. Souhaite-t-on développer massivement le solaire, l’éolien et le stockage d’électricité ? Il est impératif de s’engager sur une trajectoire ambitieuse pour permettre à la France de rattraper son retard dans ce domaine.

Quel que soit l’arbitrage du président de la République, il sera difficile de faire les deux. En matière de politique énergétique, le « en même temps » risque de nuire à la clarté. Elle est pourtant nécessaire.

Par Le Monde, le 24 novembre2018

https://www.lemonde.fr/energies/article/2018/11/24/clarifier-notre-politique-energetique_5388021_1653054.html