De gigantesques cylindres couleur crème alignés dans un vaste hall: la Suisse entrepose ici ses déchets les plus radioactifs, des plus anciens aux plus récents, en attendant, comme la France ou la Suède, de les enfouir profondément dans le sol.
Le « Zwilag » (« dépôt intermédiaire« ), installé dans un vallon verdoyant à Würenlingen (nord), accueille les combustibles usés et produits de fission vitrifiés des cinq réacteurs du pays. À ce stade, 900 tonnes de matière de haute activité, confinée dans des conteneurs dix fois plus lourds que leur contenu.
« Le Zwilag a été fondé il y a 25 ans car on a compris qu’il fallait montrer au public qu’on avait des solutions pour les déchets des centrales« , dit Antonio Sommavilla, son porte-parole. Le site a été ouvert en 2001 après « des années de débat chargé en émotion » sur sa localisation.
Les exploitants de centrales, détenteurs du capital, ont ainsi fait le choix de regrouper leurs déchets en un dépôt centralisé, à sec, quand la France préfère l’autre option, les piscines.
Les lieux, qui accueillent chaque année plusieurs colis, vont encore voir leur activité s’accélérer avec la fermeture attendue fin 2019 de la centrale de Mühleberg.
La Suisse, qui tire environ 40% de son électricité du nucléaire, a choisi après l’accident de Fukushima de ne plus construire de nouveaux réacteurs. Elle prévoit in fine de faire reposer ses déchets -100.000 m3, dont 10% hautement radioactifs- en couche géologique profonde.
Mais le cas suisse témoigne aussi, comme ailleurs, d’un processus long et sensible pour mettre en œuvre un tel projet.
« On procède par étapes« , explique José Rodriguez, expert du dossier à l’Office fédéral de l’énergie. « On fait participer les gens dans les régions concernées; on doit leur donner du temps, ils craignent ce qu’ils ne connaissent pas. La communication est très importante« .
Il y a d’abord eu opposition dans un canton en 2002. Puis la recherche de sites s’est poursuivie, les zones de montagne ont été éliminées (« trop instables« ), et in fine trois zones argileuses, comme le projet français Cigéo à Bure, ont été placées sur une « short-list« , dans le nord, pour un ou deux sites.
Couvercle « anti-avion«
Le choix est attendu d’ici 2023, à confirmer pour 2030. En attendant, tests en laboratoire souterrain, forages exploratoires et négociations avec les régions sont prévus. Le calendrier: descendre les colis entre 2050 et 2075, surveiller pendant 50 ans, puis boucher les accès en 2120-25.
Dans l’intervalle, le Zwilag abrite déjà 61 « châteaux » de matière de haute activité, et en comptera 200 d’ici le milieu du siècle.
Hauts de 5 à 6 m, ces conteneurs cylindriques, fermés en centrales, arrivent par train. Devant les caméras réglementaires de l’AIEA, ils rejoignent un grand hall aéré par convection naturelle, où ils dégagent encore une chaleur palpable quand on les approche.
Objets de haute technologie, ces emballages, fabriqués notamment par le Français Orano, sont censés résister à peu près à tout.
Faits d’acier, d’alliages absorbant les neutrons, anti-incendie, ils sont posés sur des fondations renforcées, cernés de spirales d’aluminium pour tirer la chaleur, et dotés d’un double couvercle « anti-avion« , capable de résister à un crash, explique-t-on au Zwilag. À l’intérieur, l’uranium dans sa gaine de zirconium mettra des centaines de milliers d’années à perdre sa radioactivité, et ne doit surtout pas monter en température.
Dans un hall voisin, les déchets moins radioactifs sont placés en fûts, dans des puits sous trois dalles de béton.
Partout, l’air est en sous-pression pour aspirer les poussières ionisantes.
La Suisse, adepte du « sec« , ne s’est pour autant pas détournée de la solution piscine: la centrale de Gösgen, non loin de là, à Däniken, s’est dotée en 2008 d’un grand bassin, réalisé par Siemens et Areva NP.
Y sont entreposés pour une vingtaine d’années les déchets de la centrale, pré-refroidis dans la piscine du réacteur, devenue trop petite.
Le bassin répond aux dernières normes, découplé de son bâtiment et monté sur ressorts anti-sismiques, couvert d’un bardage de béton et doté de tuyauteries pour tracer les éventuelles fuites… Avantage non négligeable: « vous évitez le transport« , souligne René Sarrafian, responsable du cycle du combustible.
Par AFP – Publié le vendredi 19 juillet 2019 à 07h31
https://www.lalibre.be/planete/environnement/en-suisse-une-cathedrale-de-dechets-nucleaires-attendent-l-enfouissement-5d3155a29978e254e24e54e1
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