LES OBSTACLES D’EDF POUR DÉVELOPPER LE NUCLÉAIRE

Deux projets, français et britannique, illustrent les difficultés de l’entreprise publique sur ce sujet.

EDF à la peine pour développer le nucléaire… En France, c’est un projet de piscine nucléaire à la Hague (Manche) qui montre ces difficultés. En cause notamment, un « défaut de confiance (d’une partie de la population, NDLR) envers le porteur du projet », notent les garants de la concertation publique. Dans leur bilan rendu public le 8 août, ces derniers estiment qu’il faudra en tenir compte dans l’élaboration des modalités de concertation continue, « si le projet est poursuivi, […] afin de conduire à une évolution du projet favorable à son insertion locale ».

Il est également demandé à l’entreprise publique de « mettre à disposition et/ou préciser » différents points, dont le suivant : « en fonction des évolutions de la politique nucléaire, les besoins et les hypothèses de dimensionnement du projet (type de combustibles usés, quantité…) ».

EDF est par ailleurs invitée à préciser « le déroulement de l’évaluation environnementale, l’avancement de l’étude d’impact » dont l’ « état initial » et le « périmètre du projet ». Les garants demandent aussi à Orano (ex-Areva) de faire connaître « de façon périodique la quantité de produits radioactifs détenus par Orano et EDF sur le site de La Hague et les échéanciers de traitement et/ou d’évacuation de ces produits ».

Livraison prévisionnelle en 2034

Entamée le 22 décembre, cette concertation publique a pris fin le 8 juillet, après avoir été suspendue entre début février et le 20 juin. Souvent houleuse, elle se situait en amont d’un projet de vaste piscine d’une capacité de 6 500 T, pour stocker les combustibles nucléaires usagés, qu’EDF envisage de construire sur le site où les piscines actuelles, menacées de saturation, stockent déjà environ 10 000 T de combustibles similaires, soit l’équivalent de 100 cœurs de réacteurs. Ces combustibles doivent être retraités en vue de la fabrication d’un nouveau combustible appelé le Mox, utilisé dans 22 réacteurs français.

Parmi les opposants au projet, certains font valoir qu’il existe d’autres moyens pour stocker ces déchets quand d’autres déplorent que la pointe du Cotentin soit un concentré de nucléaire : outre la Hague, on y trouve en effet la centrale de Flamanville ainsi que l’EPR en construction, et l’usine de sous-marins nucléaires de Cherbourg. S’il est validé, le projet estimé à 1,25 Md€ doit voir le jour en 2034, selon EDF.

Une plainte pour annuler l’autorisation d’un EPR

Au Royaume-Uni, pour l’entreprise française, c’est un projet de centrale nucléaire EPR baptisé Sizewell C qui est contesté. L’organisation Together Against Sizewell C (TASC, ensemble contre Sizewell C) invoque notamment un approvisionnement en eau insuffisant pour refroidir la centrale sur le lieu prévu de construction, dans le Suffolk, à l’est du pays.

Le ministre de l’Énergie a donné son feu vert au projet fin juillet sans avoir obtenu « d’informations environnementales complètes sur les effets de la construction proposée » sur les réserves en eau, notamment potable, de la région, selon une lettre envoyée par TASC au gouvernement. Le document demande au ministre Kwasi Kwarteng « l’annulation de la décision accordant l’autorisation de développement », intimant à l’exécutif de répondre avant le 16 août. « Si la réponse n’est pas satisfaisante, la prochaine étape est de déposer une plainte auprès du tribunal » chargé des questions d’aménagement à la Haute Cour de justice, a précisé à l’AFP Rowan Smith, avocat de TASC dans cette procédure.

Envolée des coûts

L’exécutif avait donné son feu vert le 20 juillet à ce projet alors que la guerre en Ukraine et une vague historique de chaleur ont remis l’atome au centre de la politique énergétique du pays. Le Royaume-Uni, qui s’est engagé à atteindre la neutralité carbone en 2050, veut ainsi accélérer le développement de l’énergie nucléaire, qui ne diffuse pas de CO2 dans l’atmosphère, alors que beaucoup de ses 15 réacteurs actuels sont en fin de vie.

Mais la seule centrale actuellement en construction, Hinkley point C, projet lui aussi porté par EDF, a vu ses coûts s’envoler et n’ouvrira pas avant 2027, ce qui alimente un peu plus les critiques des opposants à ces projets pharaoniques. De son côté, Sizewell C est un projet de centrale évalué par la presse britannique à 20 Mds de livres, comportant deux réacteurs EPR d’une puissance de 3,2 GW, dont EDF détient 80%, aux côtés du chinois CGN qui possède le reste.

Par Cyril Peter avec AFP, publié le 10/08/2022

Photo en titre : La centrale nucléaire de Nogent-sur-Marne (Val-de-Marne).- © EDF

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