La découverte d’un phénomène « important » et inattendu de corrosion sur une tuyauterie de la centrale de Penly oblige l’électricien à revoir son planning d’arrêts de réacteur. L’impact sur la production électrique reste incertain.
Première grosse tuile pour Luc Rémont , le nouveau PDG d’EDF. À la suite de la découverte d’un nouveau défaut sur un réacteur nucléaire à Penly (Seine-Maritime), l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) a demandé à l’exploitant du parc de revoir son très lourd programme de contrôle de la « corrosion sous contrainte ».
Une incertitude plane par conséquent sur les prévisions de production nucléaire. À la suite de l’annonce de cette nouvelle demande de l’ASN, mardi soir, le prix de l’électricité augmentait de 4 % sur le marché à terme, dans un marché tendanciellement à la baisse.
Derrière le terme technique de « corrosion sous contrainte » se cache un problème générique détecté par EDF fin 2021, qui a forcé l’électricien à fermer précipitamment pour vérification plus d’une dizaine de réacteurs l’année dernière, creusant du même coup une perte historique pour EDF de près de 18 milliards d’euros en 2022.
Ce défaut, apparu sur des circuits de secours au cœur des réacteurs les plus puissants du parc, provoque des fissures dans la tuyauterie, qu’il faut donc remplacer.
Nouvelle fissure plus grave
À l’origine de la demande de révision du programme de contrôle d’EDF, donc, la mise au jour d’une nouvelle fissure , plus grave que celles détectées jusqu’à présent, sur une soudure du réacteur numéro 1 de Penly.
Au vu de cette découverte, l’ASN veut maintenant qu’EDF contrôle en priorité pas moins de 200 soudures à risque sur l’ensemble de ses réacteurs. Depuis le milieu de 2022, les contrôles s’étaient resserrés sur les réacteurs les plus récents et puissants.
La fissure détectée à Penly a, semble-t-il, créé un électrochoc dans le milieu. « On était assez proche d’une fuite (mais le réacteur était à l’arrêt, NDLR) », a insisté à Franceinfo Karine Herviou, directrice générale adjointe de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN).
Particulièrement profonde (ponctuellement jusqu’à 23 mm sur une épaisseur de tuyau de 27 mm), la fissure est aussi plus étendue (155 mm, soit le quart de la circonférence de la tuyauterie) que celles détectées jusqu’à présent, a indiqué l’ASN mardi soir.
Défaut initial de fabrication
L’incident est surtout dû à d’autres facteurs que ceux identifiés jusqu’à ce jour. Cela étend du même coup les lieux possibles d’apparition de défaut – d’où la demande de révision du programme de contrôle. « C’est une mauvaise nouvelle pour EDF », commente un expert du nucléaire.
La fissure de Penly s’est développée autour d’une soudure particulière, qui avait fait l’objet d’une retouche lors de la construction même de la centrale.
À l’époque, « il y a eu une approche qui n’est pas acceptable, qui a consisté un peu à forcer les tuyauteries pour les aligner pour les souder, et il y a eu sur cette soudure des défauts qui ont conduit à une deuxième réparation », a expliqué mercredi le président de l’ASN, Bernard Doroszczuk, à l’Assemblée nationale.
Le problème des reprises initiales de soudures lors de la construction des réacteurs avait bien été identifié l’année dernière par l’ASN. Mais EDF comme l’Autorité ne l’avaient pas jugé prioritaire .
120 soudures déjà contrôlées
« Le seul fait qu’une réparation d’une soudure lors de la construction du réacteur peut générer de la corrosion sous contrainte, et à terme une fissure, interroge sur la présence potentielle de ce phénomène sur tous les réacteurs du parc », résume aujourd’hui Julien Collet, directeur général adjoint de l’ASN.
EDF devait toutefois contrôler par acquit de conscience les 320 soudures ayant été réparées lors de la construction des réacteurs. L’exploitant avait déjà contrôlé sans encombre 120 de ces soudures quand il a détecté le défaut à Penly 1. Les 200 contrôles restants inquiètent maintenant beaucoup plus l’ASN, ce qui explique sa demande de prioriser les contrôles sur celles-ci.
Un défaut « singulier »
« Nous sommes sur un point singulier, pas sur une explication générique, analyse Bernard Doroszczuk. Cela ne veut pas dire que ce défaut ne peut pas apparaître ailleurs, donc on a demandé à EDF d’identifier rapidement les cas semblables pouvant exister sur les autres réacteurs pour pouvoir aller contrôler ces soudures, et on a mis la pression sur EDF pour qu’il définisse une évolution de sa stratégie de contrôle. »
Il ne s’agit pas non plus pour EDF de fermer dans l’urgence tous les réacteurs à risque, alors que la production nucléaire est au plus mal. En effet, une installation peut fonctionner avec deux circuits de secours sur les quatre dont il dispose. De plus, la « démonstration de sûreté » intègre une rupture de tuyauterie.
Photo en titre : Derrière le terme technique de « corrosion sous contrainte » se cache un problème générique détecté par EDF fin 2021. (Lou BENOIST / AFP)
Par Guillaume Guichard, publié le 8 mars 2023, mis à jour à 20h16
https://www.lesechos.fr/industrie-services/energie-environnement/nucleaire-ces-200-soudures-a-risque-quedf-doit-controler-1913379
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