SÛRETÉ NUCLÉAIRE : LA MAJORITÉ MACRONISTE CONTRAINTE DE RENONCER À LA FUSION DES DEUX ORGANISMES DE SURVEILLANCE

Après le rejet des députés en mars, le gouvernement ne remettra pas à l’ordre du jour son projet en commission mixte paritaire début mai. La disparition de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) au sein de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) suscitait de vives critiques des experts.

Un dommage collatéral du passage en force sur les retraites. La réforme de la sûreté nucléaire, projet controversé du gouvernement visant à fusionner l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) dans l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN), ne devrait pas faire sa réapparition via les ultimes discussions au Parlement sur le projet de loi d’accélération du nucléaire, affirment des sources concordantes ce vendredi 21 avril.

Députés et sénateurs doivent se retrouver le 4 mai en commission mixte paritaire (CMP) pour s’accorder sur la dernière version du projet de loi, avant des votes définitifs prévus le 9 mai au Sénat puis le 16 à l’Assemblée. Mais sur la réforme de la sûreté, « l’Assemblée nationale s’est exprimée », reconnaît la députée (Renaissance) Maud Bregeon, rapporteure du texte. En mars, les députés ont en effet rejeté l’amendement gouvernemental sur la réforme de la sûreté, tout en adoptant le reste du projet de loi destiné à accélérer les procédures administratives pour construire de nouveaux réacteurs nucléaires.

« Je regrette ce résultat car je reste convaincue du bien-fondé [de cette réforme]. Mais la CMP respecte le vote des députés », estime la députée Maud Bregeon. La rapporteure soutient même l’idée « dôter du texte toute référence à la fusion », afin de « s’en tenir au statu quo » sur l’organisation actuelle, à ce stade.

« Pas un sujet qu’on peut traiter sur un coin de table »

Côté Sénat, le rapporteur de la chambre haute Daniel Grémillet (LR), déclare que « le sujet majeur » est bien la future politique énergétique de la France. Quant à la sûreté, « ce n’est pas un sujet qu’on peut traiter sur un coin de table », a-t-il affirmé. De source gouvernementale, on confirme que « ce n’est pas l’objectif d’[y] revenir en CMP »« Il est trop tôt » pour parler de la suite prévue pour cette réforme, ajoute le ministère de la Transition énergétique.

Pourtant le mois dernier, la ministre de la Transition énergétique Agnès Pannier-Runacher louait son intention de mener à bien cette fusion des deux organismes nucléaires, qui permettait selon elle de «fluidifier» les décisions. Mais contre toute attente, la gauche et les écologistes, renforcés par des parlementaires de tous horizons sont parvenus à faire adopter un autre amendement qui stipule que « la sécurité nucléaire repose sur une organisation duale composée de l’ANS et de l’IRSN ». L’adoption de ce texte a réécrit complètement le passage de la loi qui prévoyait la disparition de l’IRSN.

À lire aussi : Réforme de la sûreté nucléaire : en grève, les salariés de l’IRSN protestent contre un démantèlement de l’Institut Société, 20 févr. 2023

Le projet de disparition de l’IRSN a suscité de vives oppositions. En février dernier, les salariés de l’institut se sont mis en grève, soutenus par des parlementaires et des spécialistes, qui voient dans cette fusion une perte d’indépendance, de compétence et de capacité d’expression des experts.

Un non-sens pour un pays ou l’excellence de la sûreté nucléaire s’appuie justement sur la séparation entre l’expertise (l’IRSN) et la décision (l’ASN). Vouloir déstabiliser ce modèle reconnu dans le monde entier, quand EDF confirme en mars l’existence de nouvelles fissures « non négligeables » sur ses réacteurs les plus récents, semble hasardeux.

Par LIBÉRATION et AFP, publié le 21 avril 2023 à 11h57

Photo en titre : Des manifestants défilaient à Paris contre la disparition de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), le 13 mars 2023. (Thomas Samson /AFP)

https://www.liberation.fr/environnement/nucleaire/surete-nucleaire-la-majorite-macroniste-contrainte-de-renoncer-a-la-fusion-des-deux-organismes-de-surveillance-20230421_SG6GNRRYYNFQTLG6R4HGC2Z6SM/